Vanité des vanités : la Mort et la Vie exposées à Lyon

Les années 2020 voient fleurir en France un grand nombre d’expositions liées de très près ou d’un peu plus loin aux natures mortes, ou comme les appellent Victor Stoichita et Laurence Bertrand-Dorléac, des peintures de choses : tandis que se prépare au Louvre une exposition commémorant celle réalisée par Charles Sterling en 1952 au Musée de l’Orangerie, le MAMAC de Nice consacre depuis le 16 octobre une rétrospective à Daniel Spoerri, sous le nom de Le théâtre des objets. Le 24 octobre 2021 s’achevait au Palais de Tokyo la carte blanche de l’artiste allemande Anne Imhof, intitulée Natures mortes, puis le 15 décembre l’exposition Instants suspendus : regards sur la nature morte, organisée collectivement par les trois musées de Saint-Quentin et La Fère (Aisne). 

Le Musée des Beaux-Arts de Lyon quant à lui, dans une exposition qui se tient du 27 novembre 2021 au 7 mai 2022, a choisi d’explorer plus en profondeur le thème de la vanité, en suivant le Leitmotiv du crâne à travers une sélection d’oeuvre plus large que les natures mortes, et sur une période allant bien au delà du XVIIème siècle. Le corpus choisi se plonge dans les collections non seulement du musée des Beaux-Arts, mais également dans celles du Musée d’art contemporain (MAC Lyon) et celles de plusieurs personnes privées ayant accepté de contribuer. Sous le commissariat de Ludmila Virassamynaïken, l’exposition se divise en dix sections traitant les différentes récurrences du motif du crâne. 

Le terme de “vanité” fait surgir aujourd’hui dans les esprits des natures mortes occupées par des crânes, des sabliers et autres objets empreints d’une symbolique temporelle, rappelant au spectateur la fugacité de sa propre existence. Dans le contexte de la pandémie, l’exposition serait-elle teintée de questionnements philosophiques sur notre mode de vie actuel ? Elle fut en tout cas conçue dans le temps des divers confinements, et certaines œuvres, notamment les gravures de danses macabres, nous laissent faire des rapprochements. 

L’exposition est organisée dans le cadre du pôle des arts, qui réunit depuis 2018 le MAC et le MBA de Lyon à travers des événements culturels (à ce sujet, voir l’article écrit par Rodanthi Aslani pour le site des étudiants du master DPACI en 2019). A la mort, à la vie ! est la troisième collaboration présentée au public dans ce contexte, après Comme un parfum d’aventure (7 octobre 2020 – 18 juillet 2021) et Penser en formes et en couleurs (8 juin 2019 – 5 janvier 2020). Le but affiché est de créer des expositions à l’échelle de la ville, et par le dialogue des collections anciennes et contemporaines dynamiser les nouvelles créations. Mais ce travail devrait aussi permettre de rendre les musées lyonnais plus attractifs pour les mécènes, en leur donnant une visibilité à l’international. 

Le défi que pose le mélange entre art ancien et création contemporaine est relevé avec succès, et au-delà de cela permet d’éviter l’écueil de l’exposition purement chronologique. Les œuvres se répondent de manière harmonieuse au sein de la scénographie, faisant clairement ressortir les enjeux de l’exposition.

La première moitié explore les différents moments de la vie et leurs liens à la mort, tandis que dans la seconde partie, à l’étage supérieure, l’exposition se focalise sur certains motifs eux-aussi récurrents dans la symbolisation du passage du temps. 

Le visiteur découvre d’abord Armand Avril, à travers une de ses œuvres mais également par des objets anciennement présents dans sa collection : des sculptures du peuple Tiv du Nigeria (Illustration 1).

Illustration 1 • Peuple Tiv, Nigeria, Ensemble de trois sculptures représentant des squelettes, deuxième moitié du XXe siècle, bois, métal, plumes et traces de pigments, tailles variées, Collection particulière, ancienne collection Armand Avril.

Suivent les danses macabres, elles aussi créées dans le contexte d’épidémies, qui ouvrent notre regard sur la transition qui s’opère entre la représentation de la mort par un squelette entier vers une simplification au crâne. 

Les salles suivantes portent sur les âges de la vie : le passage de ceux-ci, et la symbolique de la jeunesse (Section 2 : Les âges de la vie). L’œuvre de Philippe Bazin, lui-même ancien étudiant en médecine, occupent l’une des alcôves de la salle. Elle est constituée de plans rapprochés de visages de patients de tout âge, portant la réflexion du photographe sur la déshumanisation du travail hospitalier, et redonnant une dignité à des personnes souvent en fin de vie (Illustrations 2 et 3).

Illustration 2 : Philippe BAZIN, Faces, 1985-1988, tirages en noir en blanc au chlorobromure d’argent, Lyon, Musée d’Art Contemporain.
Illustration 3 • Philippe BAZIN, Faces, 1985-1988, tirage en noir en blanc au chlorobromure d’argent, Lyon, Musée d’Art Contemporain.

Une autre oeuvre contemporaine sert à exprimer les enjeux des vanités autour de la jeunesse (Section 3 : Fragile jeunesse), une série de dessins de l’artiste Edi Dubien – auquel une exposition monographique avait été dédiée au MAC lyon en 2020 -, donnant à voir non seulement la fragilité de l’enfance, mais également la souffrance de ceux nés dans un corps d’un genre qui ne leur correspond pas (Illustration 4). Les adjonctions à l’aquarelle mono- ou bichrome soulignent la fragilité des corps dessinés, rendant cette œuvre particulièrement touchante, surtout au vu de son entourage par des mastodontes de la gravure comme Lucas de Leyde et Rembrandt Van Rijn. 

Illustration 4 • Edi DUBIEN, Sans titre, n.d., aquarelle et crayon sur papier, Lyon, Musée d’Art Contemporain.

La présence des crânes devient prédominante lorsque les vanités font leur entrée en scène (Section 4 : Vanités des vanités). Par l’œuvre du plasticien suédois Erik Dietman (Illustration 5), le visiteur est plongé dans l’univers de ce motif, et le découvre à la fois par la sculpture et la peinture, de production européenne ou extra-européenne. Derrière l’oeuvre de Dietman, nous sommes ainsi confrontés aux vanités de Simon Renard de Saint-André ou encore de Pier Francesco Cittadini (Illustration 6), présentant dans une lumière austère et sombre un crâne à la mâchoire désossée, et introduisant une variété d’autres motifs dont la portée symbolique est détaillée plus loin dans l’exposition, comme les bulles, les insectes ou encore les livres. Ces derniers représentent par exemple la “vanité du savoir” ou “la sagesse spirituelle”, ce que la division suivante s’applique à exprimer (Section 5 : Vanité des arts et des savoirs). A travers la figure de l’alchimiste, les peintres néerlandais du XVIIe siècle ont traduit l’opposition de la science à la morale religieuse ou calviniste. Une oeuvre ressort particulièrement, non seulement pour son sujet, mais également par sa technique : dans un cadre rétro-éclairé, la commissaire d’exposition a choisi de sortir des réserves un petit vitrail sur lequel est dessiné un Philosophe dans son cabinet (Illustration 7), accoudé à un table devant un livre, entouré d’objets représentant diverses sciences, dont des alambiques. 

Illustration 5 • Erik DIETMAN, L’art mol et raide ou l’épilepsisme-sismographe pour têtes épilées : mini male head coiffée du grand mal laid comme une aide minimale, 1985-1986, Crânes humains, carottes de béton, objets en plomb, 88 x 650 x 750 cm/ 80m², Lyon, Musée d’Art Contemporain.
Illustration 6 • Pier Francesco CITTADINI (attribué à), Vanité, 2e moitié du XVIIe siècle, huile sur toile, Lyon, Musée des Beaux-Arts.
Illustration 7 • Jh. MICHAUD, Un philosophe dans son cabinet, XIXe siècle, Verre peint à la grisaille, 32,5 x 42,5 cm, Lyon, Musée des Beaux-Arts.

Alors que beaucoup d’œuvres du reste de l’exposition sont dans une tradition nordique, la salle suivante (Section 6 : Méditations) se focalise sur la réponse apportée par l’église catholique à la réforme protestante. Deux autres figures sont mises en avant dans cette partie, celles de sainte Marie Madeleine et de saint Jérôme se repentant de leurs vanités passées (Illustration 8), ce dernier de plus en plus souvent devant un crâne. 

Illustration 8 • Hendrick DE SOMER, Saint Jérôme, 1654, huile sur toile, collection particulière.

A l’étage, les vices et plaisirs vains sont à l’affiche (Section 7 : Des plaisirs qui partent en fumée). Avarice, tabagisme et alcoolisme sont abordés au prisme du siècle d’or nordique, mais également à nouveau sous celui de contemporains, à travers une nouvelle œuvre d’Armand Avril (Illustration 9). L’exposition nous montre également ces vices dénoncés de manière moins directe, pas l’utilisation de figures animales comme le singe afin de caricaturer certaines attitudes (Illustration 10). Ces œuvres préfigurent d’une certaine façon la partie finale de l’exposition (Section 10 : Le miroir animal), qui se focalise sur l’animal comme reflet de l’homme et de sa vanité dans les arts. Cette dernière partie qui occupe deux salles de l’exposition peut choquer ou mettre mal à l’aise par certaines de ses œuvres contemporaines, qui produisent également chez le spectateur une réflexion sur notre propre relation aux animaux et l’importance que l’on donne à leur vie ou non. La scénographie de la dernière salle tourne autour d’une sculpture de Bruce Nauman, qui est accompagnée de photographies d’Eric Poitevin (dont le Musée des Beaux-Arts accueillera prochainement une exposition) et de Jean-Luc Mylaine montrant des animaux morts (Illustration 11). 

Illustration 9 • Armand AVRIL, Le fumeur, 2002, huile sur toile, collection particulière.
Illustration 10 • Claude-Henri WATELET, d’ap. David TENNIERS II,  Le Corps de garde des singes, 1740-1786, eau-forte, Lyon, Musée des Beaux-Arts.
Illustration 11 • Vue de l’exposition. Section 10. Au premier plan : Bruce NAUMAN, Butt to butt, 1989, mousse de polyuréthane, fil de fer, 132 x 249 x 122 cm, Lyon, Musée d’Art Contemporain. A l’arrière-plan : Jean-Luc MYLAYNE, N°89, Février 1987-Février 2008, Triptyque, 1987-2008, photographies argentiques, 185 x 645 cm, Lyon, Musée d’Art Contemporain.

Avant cela, deux autres aspects particulièrement visibles dans les natures mortes de la période moderne sont passées sous la loupe : à travers des natures mortes de fleurs, l’exposition pose une réflexion non seulement sur la symbolique des éléments rattachés aux bouquets, mais également sur l’absence de l’homme dans les natures mortes. Absent, vraiment ? Ou simplement représenté par les objets ? C’est l’une des grandes questions qui transcendent la recherche actuelle sur les peintures de choses (voir par exemple BERTRAND-DORLEAC, Pour en finir avec la nature morte, Paris, Gallimard, 2020). Parmi les œuvres exposées, on retrouve notamment l’un des tableaux emblématiques du musées (Illustration 12), le Chat renversant un vase de fleurs d’Abraham Mignon qui, outre la fragilité des fleurs, montre aussi l’instabilité du vase, et la menace qu’il représente pour celui qui n’avait pas réfléchi aux conséquences de ses actes (le chat).

Illustration 12 •  Abraham MIGNON, Chat renversant une vase de fleurs, n.d., huile sur toile, 113 x 85 cm, Lyon, Musée des Beaux-Arts.

Avant de terminer sur les animaux, l’exposition s’arrête l’espace d’une salle sur la notion de précieux. C’est alors à travers des objets fabriqués que la vanité est abordée, et non plus à travers les crânes, fleurs ou animaux, bien que ces derniers puissent rester présents. Cette salle nous laisse nous concentrer sur la matérialité de ce qui est représenté : des écailles scintillantes des poissons d’Olivier de Coquerel aux oeuvres trouées par les termites de Miquel Barcelo (Illustration 13), les spectateur à le loisir de s’interroger sur la fragilité des choses dont il s’entoure, et de l’appliquer à lui-même. L’installation de Bill Viola dans laquelle le spectateur pénètre à travers une porte dans la salle suivante va elle aussi dans ce sens, et laisse le spectateur remué par des images fugaces (Illustration 14).

Illustration 13 • Miquel BARCELO, Les termites – fruits pourris, 1994, pigments naturels, lavis, fusain, terre, poussière sur papier rongé par des termites, collection particulière.
Illustration 14 • Bill VIOLA, Tiny Deaths, 1993, Installation vidéo/sonor, 28’, 30’ et 32’ secondes, Lyon, Musée d’Art Contemporain.

Cette exposition a pour avantage de mettre en avant des œuvres que l’on regarde parfois trop peu dans les musées. Les deux institutions ont puisé dans leurs fonds propres et renouvelé la pensée qui s’attachait à celui-ci, en associant des œuvres qui ne prennent leur sens ou leur force que par le dialogue et une scénographie particulière. Si les musées rangent les œuvres au rang de choses mortes, une exposition comme celle-ci leur redonne vie et matière, tout comme le don de la parole. L’on pourrait bien sûr regretter qu’une exposition portant sur autant de natures mortes ne prenne pas le temps d’évoquer les autres perspectives de lecture des peintures de choses, permettant de sortir celles-ci du carcan de la symbolique. Mais dans le contexte d’une exposition à la fois très précise et devant parler à tous, il est finalement essentiel de s’en tenir à la grande ligne donnée par le titre. Les réflexions philosophiques ou éthiques proposées restent claires, que ce soient celles abordées frontalement par l’exposition, telles que la fugacité des choses terrestres, ou d’autres qui peuvent surgir entre les lignes (ou entre deux œuvres).  A la mort, à la vie! est une exposition qui se regarde en prenant son temps afin de pouvoir pleinement apprécier tous les détails et nuances du choix exceptionnel d’œuvres accrochées. 

A la mort, à la vie ! Vanités d’hier et d’aujourd’hui, exposition au Musée des Beaux-Arts de Lyon, du 27 novembre 2021 au 7 mai 2022, sous le commissariat de Ludmila Virassamynaïken. 

KLARA LANGER

 Illustrations • Sauf indication contraire, toutes les photographies proviennent de l’auteur.

LE TOUR DES GALERIES #4

« J’ai appris que la peinture pouvait être autre chose qu’un rectangle accroché à un mur »1 déclarait l’artiste David Novros, revenant sur ses recherches des années 1960 l’amenant à ses compositions géométriques. Ce Tour des galeries commence par cette découverte : celle de l’artiste David Novros, exposé dans la prestigieuse galerie Max Hetzler, dans le quartier du Marais.

Sonnez à la grande porte cochère du 57, rue du Temple, aventurez-vous dans la cour puis, deux portes plus loin, vous accéderez à l’espace de la galerie. Le spectateur est accueilli par ce qui se présente à première vue comme une maquette d’une construction méditerranéenne, évoquant la fascination de l’artiste pour les fresques et les peintures in-situ.

Dans la seconde salle, trois larges – d’apparence – monochromes de 1966 sont accrochés au mur, représentatifs des premières compositions de l’artiste, tels des découpages.  À la manière d’une fresque, David Novros a travaillé la surface de ses formes géométriques. Avec une extrême délicatesse, il y a mélangé l’acrylique au Dacron, pour recréer la texture d’un mur, ou l’acrylique à la poudre de Murano. Alors que ces œuvres se donnent à voir, le spectateur, mobile, peut découvrir une modulation de la couleur, nacrée, rose ou bleutée, transformant notre expérience de l’œuvre.

David Novros, Galerie Max Hetzler. 57, rue du Temple, Paris 4ème, jusqu’au 26 Février 2022.

Avant de rejoindre la galerie Maria Lund, où je m’arrêterai plus longuement sur l’exposition, nous passons par la rue Debelleyme : il ne faut jamais rater une occasion de voir des œuvres du maestro Marcel Duchamp. La galerie Thaddaeus Ropac présente Prière de toucher : Marcel Duchamp et le fétiche, exposition où nous retrouvons des œuvres significatives dans la carrière de l’artiste, explorant non seulement le thème de l’érotisme mais envisageant des principes associés au fétichisme. Par exemple, en présentant « le readymade comme objet fétiche », ou analysant chez Marcel Duchamp « la fétichisation des répliques miniatures et des reproductions mécaniques en tant qu’originaux ». Mention spéciale pour la LHOOQ rasée.

Prière de toucher : Marcel Duchamp et le fétiche, Galerie Thaddaeus Ropac. 7, rue Debelleyme, Paris 3ème, jusqu’au 19 février 2022.

J’avais été fasciné par ses tapisseries de feutre exposées en 2019 : Marlon Wobst est de retour à Paris avec la chaleureuse Galerie Maria Lund pour une nouvelle exposition. Celle-ci tire son nom du personnage qui nous accueille : The Sunsetter Coucheur de soleil –  cette figure, géante, énigmatique, au teint dégradé d’orangé-rose, qui avance, dans une pénombre totale.

La figure est centrale dans les œuvres de Marlon Wobst, qu’il insuffle d’émotions et d’une socialité. Que ce soit sous la forme d’une peinture, d’une céramique, d’un dessin ou d’une tapisserie, Marlon Wobst multiplie les saynètes. Extraites du quotidien, elles sont dérangeantes, anodines, drôles, ou plus graves. Exacerbant les couleurs et les matières, il semble s’adresser à ceux d’entre nous, les plus fins observateurs, qui veulent sans cesse percer le mystère de scènes qui composent nos vies.

Sunsetter, Marlon Wobst, Galerie Maria Lund. 8, rue de Turenne, Paris 3ème, jusqu’au 12 Mars 2022

Nous restons rue de Turenne, mais cette fois-ci côté cour, où se trouvent les beaux espaces de la galerie Almine Rech, que l’on rêverait d’avoir en lieu de vie. Ce songe est accentué par la cohabitation, pour cette exposition, de mobilier du designer Pierre Paulin et d’œuvres de l’artiste textile Brent Wadden.

Les tapisseries de l’artistes sont esthétiques, géométriques, chaleureuses, colorées. Elles se disent délibérément décoratives, explorant dans le travail géométrique et du tissage des références vernaculaires, du mouvement Arts & Crafts, ou du Bauhaus. Elles nous font aussi penser aux pièces d’Anni et Josef Albers que nous avons vues au MAM récemment. La lenteur du tissage à la main, les aléas dans sa réalisation, les savoir-faire et outils qu’il mobilise se heurtent parfois avec notre monde contemporain.

Les œuvres de Brent Wadden transforment l’espace de la galerie en un lieu de contemplation. Les pièces Paulin, dont le Tapis-Siège dans la pièce principale, participent à ce ressenti, cette envie de s’installer, cosy, pour ne pas quitter des yeux les œuvres, les appréhender, vivre quelques instants avec. Si le dossier de presse n’explicite pas la volonté de mettre en regard ces tapisseries aux pièces du designer, une certaine continuité dans leur ressenti, dans leur travail de la matière textile comme prouesse se ressent. C’est également bien sûr la question du statut de l’objet d’art décoratif qui est posée. On aurait presque envie, de voir l’un des modèles du designer star, se recouvrir d’un tissage de l’artiste. Composition à suivre ?

Brent Wadden, René. Galerie Almine Rech. 64 Rue de Turenne, Paris 3ème. Jusqu’au 12 mars 2022

En parlant de Paulin, la galerie Derouillon s’est installée un tout nouvel espace, teasant son ouverture par des stories d’un long Osaka rose, installé dans une pièce de ce nouveau lieu. J’étais attaché à l’espace de la rue Notre Dame de Nazareth, mais ce nouveau lieu laisse imaginer de grands projets en perspective.

C’est Alex Foxton, dont nous avions évoqué le travail dans le précédent Tour des galeries, qui présente une nouvelle série de travaux pour cette exposition inaugurale. L’artiste, connu pour sa collaboration avec Kim Jones, poursuit son exploration de son travail de la peinture, de la figure masculine et de ses représentations. L’accrochage est dense et les œuvres, nombreuses, sont de différents médiums : des toiles, cartons, papiers, parfois morceaux de fer, assemblés, déchirés, découpés, réhausssés.

Il faut alors prendre le temps, d’aller et de venir, de longer les cimaises de la galerie Derouillon pour laisser son œil s’accommoder aux créations d’Axel Foxton, pour en profiter pleinement. Des paillettes se laissent apercevoir, les traits de fusain font sens, les objets représentés dévoilent leurs mystères, les portraits libèrent toute leur puissance.

Hex, Alex Foxton, Galerie Derouillon. 13 rue de Turbigo, Paris 2ème, jusqu’au 19 février.

Etel Adnan, dont nous connaissons les aplats de couleur vive, aura passé les derniers mois de sa vie à se concentrer sur le noir et le blanc. Travaillant au pinceau, elle retranscrivait sur la toile ce qu’elle appelait sa « découverte de l’immédiat », transformant instantanément des objets de son quotidien en natures mortes. Ces œuvres, où le trait se simplifie, se brouille et la peinture est comme essentialisée, me font penser au Jeune Peintre de Picasso, œuvre également réalisée quelques mois avant le décès de l’artiste, et extrêmement touchante. Dans un dernier geste créatif, Etel Adnan a réalisé une œuvre sur papier de plus de 5mètres de long, représentant la baie d’Erquy, qu’elle contemplait ces dernières années.

Découverte de l’immédiat, Etel Adnan, Galerie Lelong. 13 rue de Téhéran, Paris 8ème, jusqu’au 12 mars.

Avant de venir admirer ces œuvres d’une extrême tendresse, ou pour poursuivre ce voyage, vous pouvez écouter le podcast de la Bourse de Commerce, dont l’un des épisodes revient sur la rencontre de ces deux âmes sœurs, Etel Adnan et Simone Fattal. Si Etel Adan avait prédit : « Le jour où je ne serai plus là, l’univers aura perdu une amie », par cet univers son génie continuera à vivre.

CONSTANT DAURÉ

1-D. Novros et M. Brennan, « Entretien d’histoire orale avec David Novros, » dans Smithsonian Archives of American Art, 22 & 27 Octobre 2008, p. 5.

Flashback culturel : ce que nous retenons de 2021

C’est déjà la troisième année que nous nous livrons au plaisir de relever parmi nos découvertes culturelles de l’année, celles qui nous ont le plus marquées et dont le souvenir nous accompagnera encore un moment. 

Les juristes parmi nous ferons remarquer qu’un évènement répété trois fois devient une coutume, ce dont nous nous réjouissons : l’aventure ZAO fait son chemin, et nous profitons de cette fin d’année pour remercier nos lectrices et lecteurs, assidus ou de passage, tout en se souhaitant à tous, de beaux projets pour 2022.

2021 a peut-être parfois balbutié mais n’a pas déçu. Enrichie de découvertes, de voyages, d’expériences et de sensations fortes, l’équipe ZAO revient sur ses coups de cœur culturels de l’année.

ARIANE DIB

Paris redécouvert :  la réouverture du musée Carnavalet

Ayant grandi à Paris, j’ai redécouvert avec joie le musée dédié à la ville lumière et son histoire, à l’occasion de sa réouverture en mai dernier, après quatre ans de travaux. En effet, a été déployée une restauration des deux  hôtels particuliers du Marais accueillant le plus ancien musée de la municipalité – ouvert en 1880  -, ainsi qu’une transformation du musée. 

Le parcours chronologique, quoique très dynamique, permet de comprendre l’évolution de la capitale de préhistoire à nos jours au travers d’artefacts, d’œuvres d’art ou de period rooms. La visite est ponctuée de nouveaux dispositifs de médiation, notamment numériques, particulièrement réussis qui approfondissent de manière didactique le contenu scientifique dense. 

On se balade entre la salle des enseignes et la reconstitution de la bijouterie Fouquet, décorée par l’immense Alfons Mucha, en profitant d’une muséographie complète mais qui évite l’écueil du trop plein ou de l’étouffant. À parcourir sans modération.

Informations pratiques : Musée Carnavalet, 23 rue de Sévigné, 75003 Paris.

Monstre sacré ou monstre tout court ? : “Picasso, séparer l’homme de l’artiste”

Depuis quelues temps déjà je me suis passionnée pour les podcast, et notamment pour Vénus s’épilait-elle la chatte, dans lequel Julie Beauzac travaille à déconstruire l’histoire de l’art occidentale à l’appui des théories feministes, post-coloniales, queer, antiracistes, … Le titre de l’émission fait référence sans détour à la tradition centenaire de représenter les femmes nues sous le prétexte du mythe, une excuse renforcée par l’apparence imberbe – et donc divine. Si beaucoup d’épisodes m’ont intéressée, l’un d’entre eux m’a particulièrement marqué – et je ne suis pas la seule puisqu’il a remporté trois prix lors du Paris Podcast Festival. Il s’agit de “Picasso, séparer l’homme de l’artiste”, au cours duquel Julie Beauzac et Sophie Chauveau, autrice de  Picasso : Le regard du Minotaure, s’intéressent à la figure de l’artiste le plus connu et le plus vendu au monde, mais peut-être l’un des plus problématiques dans son rapports aux autres. 

Ce podcast permet de faire face à notre malheureuse manie de placer sur un piédestal “l’Artiste, génie créateur tout puissant”. Cette tradition nous empêche d’expliquer les biais sexiste, raciste ou homophobe d’un artiste voire d’une œuvre, ce qui constitue une manière pertinente d’étudier ces productions mais aussi de comprendre pourquoi elles sont célébrées malgré tout. Il ne s’agit en effet pas de nier l’importance de Picasso pour l’art moderne, mais de prendre du recul sur un récit parfois hagiographique, pour étudier le processus de création dans toute sa complexité et réfléchir à comment faire face à nos propres démons culturels. 

La violence, présente sous bien des formes dans le cas présent, est abordée sans faux semblants, même après plusieurs avertissements et autres trigger warnings bien nécessaires. Je suis moi-même restée sans voix pendant un long moment après l’écoute, abasourdie par la dureté d’un sujet que je pensais connaître en tant qu’historienne de l’art. 

Cette émission est pour moi à la fois une pépite de démocratisation des savoirs en histoire de l’art et en sciences humaines tout en conservant la nuance et la complexité des sujets, n’en déplaise à ceux qui crieraient à la “cancel culture”. 

Réparer les pots cassés : Les Flammes

Aux côtés de la non moins réussie exposition dédiée à Josef et Anni Albers, le Musée d’Art Moderne de Paris offre un véritable bijou muséal : Les Flammes. L’Âge de la céramique. Cette exposition consacrée à la céramique sous toutes ses formes et ses époques est à la fois didactique et vivante. Par une sélection de 350 œuvres d’art et d’objets divers, de Vénus préhistorique à la célèbre Dinner Party de Judy Chicago, en passant tant par de la porcelaine XVIIIe siècle que par des prothèses dentaires.

Sa structure volontairement simple valorise la clarté des explications tant historiques de l’art que sociologiques relatives aux techniques, usages et messages. Le regard porté sur la céramique est pertinent, profond tout en étant accessible et mettant en valeur des œuvres réellement internationales (et non purement occidentales), d’artistes de tout genre, et d’horizons différents. 

La scénographie, très moderne, est ponctuée d’un mobilier muséal (socles, bancs, …) lui-même magnifique, réalisé par Cros/Patras, en collaboration avec Natsuko Uchino. Elle sort le discours du white cube traditionnel et fait vivre ces espaces rénovés du musée. Par ailleurs, un programme de collecte placé au sein de l’exposition, présente des céramiques déposées par les visiteurs, et fait écho aux pratiques scientifiques des musées d’art et traditions populaires dans leur approche sociologique et anthropologique des productions matérielles. 

Le muséologue autant que le néophyte pourront ainsi s’enflammer pour cette exposition – sans mauvais jeu de mots – jusqu’au 6 février prochain. 

Informations pratiques : Les Flammes. L’Âge de la céramique, du 15 octobre 2021 – 6 février 2022, Musée d’art Moderne de la ville de Paris

CONSTANT DAURÉ

La BO de l’année : Vivo 

Andrea Laszlo De Simone signe la BO de cette année, du moins, de mon année. Le chanteur italien a sorti le single Vivo au mois de janvier, dont les paroles pourraient résumer parfaitement le mélange de désarroi, de questionnements mais avant tout d’espérance et d’hédonisme avec lequel nous avons abordé 2021.

Si je vous parlais de Sébastien Tellier l’année dernière, c’est par hasard mais grâce à lui que j’ai découvert Andrea Laszlo De Simone, que l’on m’a présenté comme le Tellier italien. Je me suis alors empressé de l’écouter, et si les univers musicaux semblent distincts, la passion, le génie et le romantisme de ces deux artistes les unissent en effet.

« Rare », « intime », « précieux » ou « cosmique » définissent l’artiste italien, dont la musique oscille de l’expérimentation à la variété italienne aux allures vintage. Ses mélodies procurent une soudaine envie d’apprendre l’italien ou de s’aventurer pour le pratiquer. : il faut pour cela écouter « Immensità », magnum opus -pour le moment- du musicien, dont les 4 titres nous bouleversent, comme la vue des étoiles, qui est la pochette de l’E.P., ou de l’horizon sur l’océan, un jour d’hiver. 

Les plus chanceux l’auront vu ce mois-ci en concert à Rennes, son premier en France, exceptionnel puisque le chanteur souhaiterait davantage se consacrer au studio et à sa vie de famille plutôt qu’à la scène. Pour se consoler en attendant de nouvelles dates, nous avons la captation depuis la Triennale de Milano de Vivo justement, dont on ne se lassera pas en 2022.

Martin Margiela se dévoile à Lafayette Anticipations

2021 restera l’année du retour de Martin Margiela, ou plutôt de sa révélation.  

Les expositions dédiées à Margiela ont été nombreuses. On se souvient notamment de la rétrospective du Palais Galliera en 2018, sous la propre direction artistique du créateur. Mais cette exposition à Lafayette Anticipations est exceptionnelle : c’est en tant qu’artiste que Martin Margiela se présente. Et cela, pour la première fois.

Martin Margiela est en effet connu pour ses créations de mode : il a fondé sa propre maison éponyme en 1988 par laquelle il a révolutionné le milieu de la mode pendant 20 ans. Il a également côtoyé les grandes maisons de Luxe, en dirigeant les collections de prêt-à-porter Femme de la Maison Hermès de 1997 à 2003.

Par cette exposition, Martin Margiela semble dévoiler son vrai visage, ou plutôt, comme le relève Lafayette Anticipation « Martin Margiela, légendaire créateur de mode, a toujours été un artiste ». L’excitation était grande pour chaque admirateur du créateur : quelle forme prendra son travail artistique ?

A l’instar du créateur, l’exposition est surprenante, mystérieuse, accomplie et esthétique. Martin Margiela twiste l’espace d’exposition de Lafayette Anticipations à l’aide de stores californiens, très années 70, rappelant une certaine esthétique de la modernité et de bureaux aujourd’hui défraîchis. Il crée grâce à cela un parcours d’exposition labyrinthique, où des surprises attendent le spectateur tout au long de la visite.

Cette exposition est passionnante puisqu’on peut déceler dans ces œuvres l’essence même de ce qui habite Martin Margiela : des thèmes, idées, obsessions ou modus opérandi qui prenaient forme par des collections se retrouvent dans l’espace d’exposition, après être passés par les mains de l’artiste.

Je pense ici au thème du corps, récurrent, de son image, de la manière dont il est transformé, modifié. En témoignent l’affiche de l’exposition, où Margiela choisit un déodorant, ses statues d’ongles rouges ou ses memento mori de cheveux blancs. Nous pouvons relever également le collectif, puisque le créateur a toujours fait un pas en arrière pour laisser place à son équipe. Pendant l’exposition, un ensemble de médiateurs mettait en mouvement les œuvres de l’artiste par des gestes répétitifs : cacher/ dévoiler ses sculptures à l’aide d’un tissu blanc, déplacer/ afficher ses collages sur des couvertures de magazines, éteindre/ allumer un spot d’exposition illuminant un pastel à l’huile sur velours.

La mode de Margiela a toujours été qualifiée de conceptuelle. Tout au long de l’exposition, des cartels sont disposés, mais sans œuvre présentée à leurs côtés, seulement une trace au mur, comme une ombre, un fantôme de création. Chacun est libre, à partir de l’explication, d’imaginer ce que serait cette œuvre. Rappelant à juste titre que l’art est avant tout une cosa mentale, Margiela semble tout de même faire un pied-de-nez, puisque l’exposition se termine sur de grands éclats rires, remettant ces œuvres en perspective. Margiela aurait-il été trop pris au sérieux?  Sans doute une énième démonstration que l’humour belge n’a pas de limite. 

Informations pratiques : Lafayettes Anticipations, du 20 octobre 2021 au 2 janvier 2022

© Pierre Antoine

MATHILDE PRÉVOTAT

Prendre de la hauteur avec Le Sommet des dieux 

Ce film d’animation franco-luxembourgeois tiré d’un manga de Jirô Taniguchi est un concentré de grâce. 

Un homme enquête sur l’un des plus grands mystères de l’histoire de l’alpinisme : Mallory, alpiniste britannique ayant tenté de gravir l’Everest en 1824 est-il parvenu à atteindre son sommet ? La clef du mystère pourrait bien se trouver dans l’appareil photo qu’avait emporté Mallory lors de sa conquête de l’Everest et qui n’a jamais été retrouvé. 

Un photographe japonais croit le reconnaître entre les mains d’Habu Jôji, un alpiniste que l’on croyait lui aussi disparu depuis quelques années. S’ouvre alors une enquête palpitante, ponctuée de flashback sur la vie d’Habu et sur sa soif de conquête des sommets enneigés. 

Outre l’intrigue qui tient en haleine du début jusqu’à la fin, les dessins et la bande originale signée Amine Bouhafa sont absolument superbes. Un magnifique film sur le dépassement de soi qui permet de répondre à la question suivante : pourquoi risquer sa vie pour gravir l’Everest ? 

Baselitz à Pompidou 

« C’est particulier … » la phrase de la rétrospective Baselitz !  Entendue plusieurs fois dans la bouche de deux dames âgées visant l’exposition. Pas étonnant, lorsqu’on sait que les premières expositions de l’artiste allemand ont fait scandale dans son pays natal…Et en effet, les toiles exposées peuvent interroger voire choquer le spectateur. De grand format, elles sont parfois sanguinolentes, souvent violentes.

Avec cette rétrospective, le Centre Pompidou présente 60 années de création de l’un des artistes contemporains les plus cotés sur le marché. Un parcours chronologique nous permet d’explorer les différents cycles du célèbre artiste allemand et met en lumière ses inspirations. De l’art brut en passant par le maniérisme, Baselitz puise dans ses influences et déforme les corps, les renverse avec une palette chromatique évoquant l’expressionnisme.

L’exposition le dévoile, Baselitz est hanté par les souvenirs de la guerre. L’artiste ne cesse de l’évoquer tout au long de son œuvre : blessés, morceaux de corps mutilés, gestes évoquant le salut nazi, corps éclaboussés de sang. Les œuvres de Baselitz secouent le spectateur et ne peuvent le laisser indifférent. 

À côté des peintures, des gravures et des sculptures de l’artiste jonchent l’exposition qui se termine en beauté avec l’une des sculptures en bronze massif réalisées à partir de structures de bois tronçonnées. Sa jumelle vous attend devant les Beaux Arts de Paris. Elle y est exposée pour toute la durée de l’exposition. 

Informations pratiques : Centre George Pompidou, du 20 octobre 2021 au 7 mars 2022

JOSÉPHINE DE GOUVILLE

Nona et ses Filles : Valérie Donzelli signe sa première série

« Je m’appelle Elisabeth Perrier, mais tout le monde dit Nona. Je suis féministe […] Aujourd’hui j’ai 70 ans, je suis de nouveau enceinte, et c’est vraiment une catastrophe ! »

Avec Nona et ses Filles, Valérie Donzelli signe sa première série. A travers neuf épisodes d’une trentaine de minutes, on plonge dans une fiction délicieuse, qui passe son temps à jouer avec les limites du réel. Une femme de 70 ans qui s’apprête à donner la vie ? On y croit, et ce dès le premier épisode !

Le spectateur est alors embarqué dans une histoire qui emprunte à tous les genres. Théâtre, récit initiatique, et parfois même conte fantastique, cette série questionne, autant qu’elle célèbre, la maternité.

Lorsque les trois filles de Nona ; Manu, Gabi et Georges (respectivement incarnées par Virginie Ledoyen, Clotilde Hesme, et Valérie Donzelli), 44 ans, apprennent la grossesse de leur mère de 70 ans, la décision est immédiate : retour dans l’appartement familial de la rue Poulet à Paris, au cœur de la Goutte d’Or ! Les filles retrouvent leur chambre, leurs souvenirs, pour épauler leur mère qui vit un bouleversement dans son corps et dans son esprit.

On assiste alors à un huis clos aussi poétique que fantasque. L’appartement aux accents 60’s devient le décor d’une multitude de remises en question, provoquées par cette grossesse impromptue. Chacun des personnages s’engage dans une transformation intérieure dont on est le témoin.

Le récit est rythmé par la douce voix de Miou Miou, qui narre à merveille cette histoire dont elle est le héros. On rit, mais on pleure aussi. Moment de grâce ultime au 7ème épisode… Emotion garantie avec la puissante tirade féministe de Nona. 

RDV sur Arte sans plus attendre !

Le petit plus ? La musique de Joan Baez qui nous berce du début à la fin, avec son célèbre tube « Donna, Donna… »

Disponible sur : https://www.arte.tv/fr/videos/RC-021464/nona-et-ses-filles/

Âme russe à Paris : la Collection Morozov à la Fondation Vuitton

Vous vous souvenez sûrement de la Collection Chtchoukine exposée à Paris à l’automne 2016… La Saga des collectionneurs russes continue ! C’est désormais la Collection des Frères Morozov qui occupe les galeries de la Fondation Vuitton.

Jusqu’au 22 février, on peut admirer le 2nd volet du diptyque Icônes de l’Art Moderne. Car oui, les deux expositions ont été pensées ainsi: un diptyque, des œuvres qui se répondent, un témoignage commun de l’art de collectionner au début du XXe siècle et des échanges artistiques entre la France et la Russie.

Dès les premières salles, le visiteur est invité chez Mikhaïl et Ivan Morozov, contemporains de Sergueï Chtchoukine. Près de 200 œuvres sont rassemblées, une première pour la collection qui n’avait encore jamais quitté la Russie.

Ils ont voyagé à Paris les frères Morozov… Monet, Renoir, Denis, Van Gogh, Gauguin, Cézanne, Picasso, Matisse… Grâce aux Salons, et au gré de leurs rencontres avec les marchands d’art, notamment Ambroise Vollard dont la figure est particulièrement célébrée, ils ont contribué à la reconnaissance internationale de ces artistes. Je suis toujours émerveillée de découvrir les liens entre les différentes figures de l’Histoire de l’Art à cette époque.

Parmi mes coups de cœur, le Triptyque marocain de Matisse. La vue de la fenêtre, Zorah sur la terrasse, et La porte de la casbah nous plongent dans un exotisme particulièrement désiré en 2021. J’aime ces vues de la fenêtre, si chères à Matisse, qui nous invitent à l’évasion. On peut s’amuser à voir un clin d’œil entre l’aquarium aux pieds de Zorah et les célèbres Poissons rouges de 1911, qui étaient exposés lors de l’exposition Chtchoukine.

A la fin de la visite, ne vous laissez pas décourager par les quelques minutes d’attente pour pénétrer dans la salle consacrée à La Ronde des prisonniers : une expérience quasi spirituelle vous y attend. Un rayon de lumière est projeté sur la toile et révèle la beauté et la puissance de ses couleurs. Avec cette œuvre de 1890, on rencontre Vincent Van Gogh alors qu’il est interné à l’asile psychiatrique de St Rémy. Loin de ses œuvres les plus célèbres, on nous offre ici un fragment de l’élan créateur du peintre, au crépuscule de sa vie. 

Informations pratiques : Fondation Louis Vuitton, du 22 septembre 2021 au 22 février 2022

Vincent van Gogh La Ronde des prisonniers, Saint Rémy, 1890 Huile sur toile 80 × 64 cm Musée d’État des beaux arts Pouchkine, Moscou

CAMILLE CHU

Paris brûle-t-il ? Huang Yong Ping et Shen Yuan à la galerie kamel mennour

En 2019, le monde de l’art contemporain français et asiatique fut ébranlé par la mort de Huang Yong Ping, artiste français d’origine chinoise et fondateur du mouvement « Xiamen Dada » dans les années 1980.

C’est un bel hommage que lui rend la galerie kamel mennour avec l’exposition « Huang Yong Ping, Shen Yuan, Is Paris Burning? 2019 », ouverte le 9 décembre et clôturant l’année 2021 avec brio. Elle tisse et retisse le dialogue qui ne s’est jamais vraiment rompu entre l’artiste décédé et sa compagne, Shen Yuan. La poursuite d’un échange créatif pour une ultime exposition en duo à Paris, leur ville d’adoption depuis plus de trente ans. 

La question de la référence résonne au fil de l’exposition ; échos aux deux cultures – française et chinoise – dans lesquelles le couple d’artistes puise leurs inspirations, clins d’oeil à d’autres artistes comme Marcel Duchamp, hommage naturel aux projets de Huang Yong Ping qui ont marqué son oeuvre. 

Enfin, référence au livre Paris brûle-t-il? de Dominique Lapierre et Larry Collis. Car si Paris est la ville de l’amour, c’est également le berceau de la révolution. Et cette idée de révolution, nous la retrouvons dans les œuvres l’exposition, par exemple dans l’évocation de parapluies au sein d’une installation de Shen Yuan, en écho à la révolution des parapluies de Hong Kong en 2014. 

Paris est-il réellement en train de partir en flammes ? La pièce monumentale de la reconstitution de la flèche de Notre-Dame, trônant au milieu de l’espace de la galerie, nous interroge. 

Informations pratiques : galerie kamel mennour, du 9 décembre 2021 au 29 janvier 2022

L’explosion des NFT dans l’art

Vous pensiez échapper à un flashback culturel de l’année 2021 sans parler de la montée des NFT dans l’art ? Opérons un petit retour sur cette actualité mêlant les toutes dernières tendances technologiques et les créations artistiques à la pointe de l’innovation.

Un NFT, un non-fungible token, est un jeton numérique basé sur la technologie de la blockchain. Sa particularité ? Il est non-fongible et donc, non-interchangeable, contrairement aux crypto-monnaies (Bitcoin, Ethereum…). Son application dans le secteur de l’art est donc très intéressante ; le NFT permet notamment d’attester une forme d’authenticité et de rareté. 

Son arrivée dans l’art n’est pas une nouveauté. Les digital et crypto-artists s’étaient déjà intéressés depuis quelques années aux NFT pour créer et innover. L’idée étant d’associer une œuvre d’art (une image, un gif, une vidéo ou toute autre forme) à un jeton pour le rendre unique et infalsifiable. 

Mais le point de départ de l’explosion des NFT dans le monde de l’art est récent et date de cette année. Avec la fameuse vente de Beeple en mars 2021, une seule œuvre numérique Everydays: the First 5 000 Days, une vente organisée par le géant Christie’s et un marketing surfant sur la tendance des NFT ont suffit pour atteindre un record absolu sur le marché de l’art.

L’association de l’art et les NFT ne s’arrête pas à une seule et unique vente d’art crypto qui a fait le buzz. C’est tout un écosystème culturel qui a été chamboulé. Depuis, une multitude d’idées et de projets se sont développés, notamment dans le monde des galeries. De l’ouverture à une galerie entièrement dédiée à l’art NFT à New York à la multiplication des départements digitaux dédiés à la question dans les plus grandes galeries (PACE, Almine Rech, Perrotin…), les idées et projets foisonnent. 

Le secteur muséal s’est également intéressé à la question ; la Galerie des Offices à Florence a vendu le Tondo Doni de Michel-Ange version NFT pour 140 000 euros, le British Museum s’est mis à vendre des NFT « cartes postales » d’estampes d’Hokusai à l’occasion d’une exposition dédiée, tout comme le musée de l’Ermitage a récolté plus de 440 000 dollars via une vente aux enchères d’oeuvres en NFT. Enfin, c’est tout un espace permanent dédié aux NFT qui ouvrira ses portes en janvier 2022, le Seattle NFT Museum (SNFTM), pour devenir le premier musée physique de la sorte. 

D’autres initiatives seront donc attendues dans le domaine en 2022. Et avec la popularisation du « métaverse », ce monde virtuel fictif ou le futur d’Internet, les frontières des galeries, des musées et de l’art ne cesseront de s’élargir, vers le digital et l’au-delà. 

L’équipe de Zao vous remercie pour votre lecture et pour votre soutien au cours de l’année 2021 et vous souhaite une nouvelle année pleine de richesse et de culture ! Nous nous retrouvons en 2022 !

Souvenirs des Rencontres d’Arles

De passage aux Rencontres de la photographie d’Arles, j’y ai croisé une multitude de regards sur le monde qui m’ont touchée, impressionnée, fascinée. Aussi, voici quelques réflexions sur certaines expositions. 

Depuis 1970, ce festival est devenu un incontournable des artisans, artistes et amateurs du médium photographique et fait vibrer la ville parsemée d’expositions de juillet à septembre. 

Cet article est volontairement non exhaustif et de nombreuses autres manifestations culturelles pourraient attirer votre attention dans la ville camarguaise.

The New Black Vanguard : photographie entre art et mode

The New Black Vanguard : photographie entre art et mode

Un des événements phares de cette cinquantième édition des Rencontres d’Arles est probablement l’exposition The New Black Vanguard : photographie entre art et mode qui met à l’honneur quinze photographes africains ou africains-américains et défend une culture noire. Il s’agit d’une (très) jeune génération d’artistes – la plupart d’entre eux ont moins de trente ans – particulièrement actifs dans le monde de la mode et du design, offrant leurs visions libérées du regard blanc. En parcourant ce group show, il est en effet possible d’observer des codes partagés mais une absence d’homogénéité iconographique ou thématique. Ainsi, les jeux de couleurs peuvent se retrouver, par des palettes tantôt pop ou pastels, valorisant le modèle noir, comme c’est le cas chez Micaiah Carter ou Ruth Ossai. De même, une volonté de représenter la ville africaine, de Lagos à Johannesburg, ou des quartiers historiquement habités par des personnes racisées, comme le Bronx, et d’en montrer la beauté, la dynamique et la vie, est présente dans la démarche de beaucoup, à l’instar de Stephen Tayo ou Renell Medrano.

Conceptuellement, des questionnements sur la définition d’une ou plusieurs identités noires, traversant les frontières et population semblent traverser The New Black Vanguard. Ces réflexions apparaissent d’autant plus dynamiques que les photographes ici présentés sont tous pleinement intégrés à des industries créatives mondialisées, où ils doivent trouver des manières de mêler traditions, origines en décentrant le modèle occidental et blanc, tout en interagissant avec des institutions comme les marques de luxes ou les magazines de mode. 

De ces identités noires revendiquées émergent des visions comme les Couture Hijabs de Tyler Mitchell où de jeunes femmes arborent un voile composé de fleurs roses bonbons qui encadrent le visage. De ce regard sur la société contemporaine et globale, se distinguent les “anti-selfies” d’Arielle Bob Willis où les corps contorsionnés s’expriment à l’abri des visages habituellement surexposés. 

Aperture et rencontre de la photo, commissariat d’Antwaun Sargent

Visible à Arles : Eglise Sainte-Anne, du 4 juillet au 26 septembre 2021

Almudena Romero, The Pigment change

Almudena Romero, The art of producing, 2020, photographie sur végétal, BMW Residency

Nichée au sein du Cloître Saint-Trophisme, l’exposition de l’Espagnole Almudena Romero issue de sa résidence artistique mécénée par B constitue un questionnement radical sur la création matérielle, en l’occurrence photographique. Elle y montre des impressions photographiques sur végétaux permises par phénomènes altérant  leur pigmentation tels que la photosynthèse ou le blanchissage optique. 

Au delà d’une simple originalité de support, The Pigment Change  témoigne d’une recherche sur la production matérielle, à échelle individuelle ou industrielle : par ces feuillages sur lesquels se détachent des fragments de figure humaine, Almudena Romero met en évidence la volonté sociologique de dépasser la nature tout en l’utilisant. Des mains saisies en plein gestes sont d’ailleurs omniprésentes sur ces feuillages photographiques, pour figurer l’acte de faire, de produire plus jusqu’à l’épuisement. En effet, la photographie est permise par une maîtrise humaine de nombreux phénomènes optiques et chimiques et s’est notamment développée pour répondre au besoin grandissant d’images reproductibles de nos sociétés. Son impact environnemental est loin d’être négligeable, pour autant se passer de ce médium d’expression artistique et de communication nous est impensable pour de nombreuses raisons. En outre, la photo permet aussi de reproduire, de manipuler, de déformer, .. la nature. L’artiste nous met face à nos paradoxes et cherche d’autres voies. 

Almudena Romero accompagne ces recherches sur le support et la raison d’être de la photographie, d’un travail sur les archives familiales, en ce que le maintien du souvenir d’événements et de personnes alimente souvent nos usages intimes de ce médium. Pourtant malgré ces captures visuelles du vivant, ces images ont inévitablement un caractère éphémère, à l’instar de la mémoire qu’elles entretiennent.

Elle interroge ainsi le rôle du photographe – artiste ou amateur – tant dans un phénomène anthropologique de commémorer, conserver par le biais de la production et reproduction des images, que dans les causes de la crise écologique. 

Visible à Arles : Award Solo Show au Cloître Saint-Trophime, du 4 juillet au 29 août 2021

Ilanit Illoutz, Wadi Qelt, dans la clarté des pierres

Sélectionnée pour le prix la découverte Louis Roederer, Ilanit Illoutz est également une artiste qui pense les liens entre médium photographique et objet capturé. Pour cette exposition, elle réalise des tirages fossilisés, employant du sel de la vallée de Wadi Qelt, située entre Jérusalem et Jéricho, pour développer des visions de ce territoire. Sur ces photographies on observe les roches cristallines, les pierres arides qui caractérisent ce paysage asséché par l’homme. Les images donnent à voir des formes organiques et pourtant corrosives,  laissées impropres à la vie par l’activité humaine. 

 La composition chimique de ces sels de Judée est par ailleurs proche de celle employée par Nicéphore Niepce dans les recherches qui menèrent à l’invention de la photographie, ce qui crée immanquablement des liens entre la pratique d’Ilanit Illoutz et les origines même de la technique, voire l’ensemble de la production photographique depuis le XIXe siècle. 

La matérialité de l’œuvre rencontre ainsi son sujet pour parler de l’impact humain sur l’environnement au sein de photos sculpturales, aux formes abstraites et poétiques.

Sélection du prix de la découverte Louis Roederer

Maba, fondation des artistes 

Visible à Arles : Église des Frères Pêcheurs, du 4 juillet au 29 août 2021

Tarrah Krajnak, Rituels de maîtres II : les nus de Weston

Mon dernier coup de coeur arlésien est à la fois un hommage au photographe Edward Weston,  figure majeure de le mouvement artistique de la straight photographie de la première moitié du XXe siècle, et une remise en question du male gaze et du regard blanc sur les corps féminins et racisés de ce dernier.

L’artiste Tarrah Krajnak expose à Arles des autoportraits nus où elle se montre dans la pose du modèle de Weston présent par le livre Nude, ouvert. 

Tarrah Krajnak illustre le paradoxe douloureux de la connaissance et de la jouissance de l’histoire de l’art en tant que femme racisée et consciente des biais intrinsèques à beaucoup de nos chefs d’oeuvres. Ici, nous trouvons des références à des  photographies où le corps féminin est fragmenté dans une recherche formelle incroyable mais où les formes du corps féminin sont fantasmées, où le cadrage se centre souvent sur la poitrine, les fesses du modèle et où son visage apparaît rarement, donc où il est objectifié.  

Par un jeu de répétition formelle, faisant écho à la beauté de ces photos de Weston, la photographe crée une forme de rythme visuel particulièrement réussi.

Mais ces mises en abîmes lui permettent surtout de se réapproprier l’art photo et son propre corps. 

Montrant son geste artistique, l’affirmant, elle s’ancre comme sujet et comme créatrice tout en affichant son identité de femme latino-américaine. Tenant son retardateur comme un déclencheur de bombe, Krajnak semble faire exploser les codes patriarcaux et occidentaux de la photo dans une ambition personnelle et contagieuse, qui lui a valu de remporter le prix de la découverte Louis Roederer de cette année.

Gagnante du prix de la découverte Louis Roederer

Maba, fondation des artistes 

Visible à Arles : Église des Frères Pêcheurs, du 4 juillet au 29 août 2021

ARIANE DIB

Netflix fait son cinéma

Nos accès à la culture se restreignant de jour en jour, nous passons davantage de temps sur les plateformes digitales, à tenter tant bien que mal de nourrir notre curiosité. 

Regarder Netflix est souvent synonyme de facilité, de binge watching de séries populaires qui ne nous apportent pas tant que ça. Alors oui, certes, on peut être tenté de regarder Lupin parce que le Louvre nous manque terriblement. Mais une fois passée la page d’accueil mettant en avant les derniers blockbusters, ce catalogue regorge de trésors. Nous avons ainsi sélectionné les films sur Netflix qui nous permettent d’allier au maximum couvre-feu et culture. Encore faut-il y avoir un abonnement, sinon, négociez des codes !

Les classiques

Le Mépris (1963), Jean-Luc Godard

Jean-Luc Godard parmi les chefs-d’œuvre ? Pas très original me direz-vous. Mais on oublie trop souvent de revoir nos classiques sur Netflix. L’histoire de cette adaptation d’un roman de  Moravia est simple : elle met en scène les tensions du couple Camille et Paul (Piccoli et Bardot ) alors que celui-ci réalise une adaptation cinématographique de L’Odyssée aux côtés de Fritz Lang (dans son propre rôle) sous la pression d’un producteur cupide et goujat (Jack Palance). Dans  l’atmosphère surexposée de la villa Malaparte règnent les non dits, Paul semble prêt à sacrifier sa femme et sa crédibilité artistique pour satisfaire l’Américain.

C’est l’occasion de découvrir par ce chef-d’oeuvre le propos de Godard sur le cinéma lui-même, le réalisateur citant André Bazin dans le générique audio : « Le cinéma substitue à notre regard un monde qui s’accorde à nos désirs », y ajoutant « Le Mépris est l’histoire de ce monde ». 

Pierrot le fou (1965), Jean-Luc Godard 

“Qu’est-ce que je peux faire? J’sais pas quoi faire !” Regardez donc Pierrot le Fou, disponible sur Netflix !  Notre liste des incontournables du cinéma ne serait complète sans le couple Jean Paul Belmondo – Anna Karina formé par Jean-Luc Godard. Suite à des ennuis avec un groupe de gangsters, le couple part en cavale à travers la France, s’aventurant jusqu’aux côtes de la Méditerranée.

On y retient le jeu des couleurs : la fine cravate de Ferdinand, ses carnets de notes, la peinture qu’il étale sur son visage, ou encore les reflets des lampadaires sur le pare-brise dans la nuit. 

Peau d’âne (1970), Jacques Demy

Peau d’âne a bercé l’enfance de nombreux d’entre nous, mais ce chef-d’œuvre est à découvrir à tout âge, offrant autant d’interprétation que de point de vue. Reprenant le récit de Charles Perrault, Jacques Demy nous offre sa vision du conte médiéval, merveilleux, fantasque, parsemé d’anachronismes. Sur une musique originale de Michel Legrand, ce film reprend le format de la comédie musicale, rappelant d’autres bijoux du réalisateur, Les demoiselles de Rochefort et Les Parapluies de Cherbourg, à découvrir également sur Netflix. 

Les animés

Le voyage de Chihiro (Sen to Chihiro no kamikakushi, 2001), Hayao Miyazaki

La Maison espagnole Loewe présentait récemment une collaboration avec le Studio Ghibli, studio d’animation japonais fondé par Hayao Miyazaki et Isao Takahata, autour du film Mon voisin Totoro. Voici alors une nouvelle occasion de se plonger dans l’univers de Miyazaki. On retiendra notamment pour notre sélection les deux heures cinq de rêverie qu’offre le fantastique Voyage de Chihiro, récompensé de l’Oscar du meilleur film d’animation en 2002. Suivez Chihiro dans son odyssée vertigineuse, relever chacun des défis se présentant à elle, comme autant de représentations de thématiques contemporaines intriguant le réalisateur. 

La Princesse Mononoké (Mononoke hime, 1997), Hayao Miyazaki

Enfant, je regardais en boucle ce film et aujourd’hui je ne m’en lasse toujours pas. La finesse du dessin d’Hayao Miyazaki atteint pour moi son apogée dans les paysages poétiques de ce Japon empreint de récits mythologiques autant que d’enjeux liés à l’industrialisation. La complexité des personnages et l’absence totale de manichéisme fait la richesse de cet animé relatant la quête d’Ashitaka pour guérir de la malédiction qui le ronge. Un conte entre nature et culture, entre tradition et modernité, qui ne cessera jamais de m’émerveiller. 

Your Name. (Kimi no na wa., 2016), Makato Shinkai 

Sortons des sentiers battus des films de Miyazaki pour rejoindre un autre chemin qui gagne à être exploré par le grand public français ; ceux des films animés de Makoto Shinkai. Ce réalisateur, que l’on appelle d’ailleurs “le nouveau Miyazaki”, propose avec Your Name. un bijou de l’animation japonaise, autant sur la forme que le fond. Les dessins frôlent la réalité, en représentant jusqu’au détail près les paysages urbains de Tokyo à la campagne du Japon. On y voit même du lens flare (les cercles lumineux dû au reflet du soleil que l’on retrouve sur certaines photos) lors de plans sur un beau ciel bleu ou un coucher de soleil. Débutant innocemment par deux jeunes adolescents qui échangent leur corps un beau matin, la tournure que ce film prend à mi-chemin laisse à réfléchir sur des thèmes plus profonds. 

Cinéma contemporain

Marriage Story (2019), Noah Baumbach

Ce film signé par Noah Baumbach et produit par Netflix, nominé pas moins de 77 fois aux Golden Globes, est une pépite du géant américain de la VOD partie à la conquête du Cinéma avec un grand C. Le réalisme et la simplicité du scénario, consacré au divorce d’un metteur en scène (Adam Driver) et de sa comédienne favorite (Scarlett Johansson), met en valeur un jeu d’acteur sans excès mais très touchant. Avec une profonde bienveillance sur les personnages, Baumbach pose un regard  très émouvant sur la famille moderne.

Call Me By Your Name (2017), Luca Guadagnino

Face à Call Me By Your Name, on a le sentiment de bronzer, de s’évader dans l’Italie de 1983 en glissant sur la bande son solaire de Sufjan Stevens. On plonge sans hésiter dans ce récit initiatique vers la découverte du désir du jeune Elio (Timothée Chalamet), sa passion pour Oliver (Armie Hammer).

Outre un magnifique film sur l’adolescence et les amours queer incandescents, Luca Guadagnino y pose une réflexion anthropologique sur les héritages culturels. Il y a dans le rapport très humain à l’archéologie entretenu par le Professeur Perlman (Michael Stuhlbarg) comme une continuité entre la civilisation gréco-romaine et monde d’Elio et sa famille, qui contraste avec celui d’Oliver, l’Américain visiblement issu d‘un milieu conservateur dont il s’échappe pour cette escapade estivale avec le spectateur.

Mommy (2014), Xavier Dolan

Comment ne pas évoquer Xavier Dolan au sujet du cinéma contemporain ? Et bonne nouvelle : une partie de ses longs-métrages sont sur Netflix : Juste la fin du monde, Tom à la ferme, Les Amours imaginaires, et l’incontournable Mommy. Vivez au plus près de Diane, veuve, qui se met au défi de prendre la garde de son fils violent et turbulent, Steve, expulsé de son centre de rééducation.  Dans un temps suspendu, se crée l’espérance d’un équilibre retrouvé entre la mère et le fils, aidé par leur voisine, Kyla.

Partageant cette aventure, ce film nous place au plus près des émotions des personnages, des pulsions violentes de Steve à l’allégresse générale de cette utopie. Transportés par une bande son soignée, vous ne danserez plus jamais de la même façon sur du Céline Dion.

Le tour des galeries #3

Le mot s’est passé : les galeries d’art sont ouvertes et sont la quasi-seule manière de se trouver face à des œuvres en ce moment. En témoignent les longues files d’attente de visiteurs devant leurs portes, les galeries étanchent notre soif de culture, par des expositions de qualité pour nombreuses d’entre elles.

Nous commençons ce troisième Tour des galeries dans le 6ème arrondissement, où Gaudel de Stampa expose l’artiste néerlandais Gijs Milius. Pour sa troisième exposition parisienne, Les Curatrices, Daantje, Flappie, etc., l’artiste poursuit son travail au pastel gras, et propose également deux installations faites à partir de bois et mousse.

Dès l’entrée de la galerie, nous sommes projetés dans l’espace : nous contemplons au mur un premier dessin ; nous pouvons y reconnaître une galaxie, vue de loin, ou peut-être un nuage de poussière, de gaz. Cette œuvre donne le ton : tout au long de cette exposition, il sera en effet question d’espace, où le visiteur, d’œuvre en œuvre, change de dimension.

Les Curatrices, 2020, oil pastel sur papier, 50 x 65 cm. Courtesy Gaudel de Stampa, Paris.

Dans cet univers, nous sommes accueillis par les maîtresses des lieux : un couple de curatrices, défiant la distanciation physique de règle ces temps-ci par une inconsciente proximité de leurs visages. En scrutant longuement ces deux figures, nous sommes happés par leurs yeux, quatre billes rondes qui nous apparaissent comme des planètes, puis quatre pupilles noires, denses, dans lesquelles nous voulons plonger. Exposés en face, deux géants trous noirs répondent à ce portrait et accentuent notre vertige face à l’inconnu, à l’obscurité. Nous y retrouvons le travail méticuleux et précis du pastel gras, ainsi que la dimension cartoonesque, fantastique de Gijs Milius.

Gat’s Nachts, 2020, oil stick, pastel gras sur papier, 78 x 60 cm ; Gat’s Avonds, oil stick, wax pastel sur papier, 78 x 60 cm. Courtesy Gaudel de Stampa, Paris.

Sur le mur du fond, est accrochée une perspective. Par quelques lignes ordonnées et un travail des ombres, Gijs Milius a créé un espace tridimensionnel, quasiment le plus rudimentaire qu’il soit. Par la suite, comme un moulage d’empreinte, l’artiste a modelé dans de la mousse cet espace illusoire qu’il a créé. Sous nos yeux, c’est alors toute l’Histoire de l’Art, de la Renaissance aux Concetto spaziale de Fontana qui est recueillie et déposée au centre de la galerie. 

Les Curatrices, Daantje, Flappie, etc. vue d’exposition, janvier 2021. Courtesy Gaudel de Stampa, Paris.

Dans les dernières œuvres de l’exposition, vient se mêler le temps, notion inséparable de celle de l’espace. Face à Flappie, animal de compagnie de l’artiste, nous nous rendons compte du chemin parcouru au fil de l’exposition, comme si nous avions cherché, tout du long, à poursuivre ce lapin.

Flappie, 2020, oil stick, oil pastel, wax pastel sur papier, 30 x 42 cm. Courtesy Gaudel de Stampa, Paris

Vous l’aurez compris, cette exposition est riche de sens, d’interprétations ; il faut s’y rendre !

Les Curatrices, Daantje, Flappie, etc., Gijs Milius, jusqu’au 20 mars 2021, Gaudel de Stampa, 49 Quai des Grands Augustins, 75006 Paris.

Dans le quartier, profitez-en pour visiter le nouvel espace de la galerie kamel mennour, où dialoguent deux artistes historiques, Phillipe Parreno et Daniel Buren, dans une œuvre créée spécialement pour le lieu.

D’ici votre visite, vous pouvez vous imprégner du travail de Phillipe Parreno en l’écoutant au micro d’Arnaud Laporte dans l’émission Affaires Culturelles de France Culture. L’artiste revient notamment sur sa rencontre avec Daniel Buren et sur la préparation de l’œuvre présentée en ce moment.

Simultanément, travaux in situ et en mouvement, Daniel Buren, Philippe Parreno, jusqu’au 27 février 2021, kamel mennour, 5 rue du Pont de Lodi, 75006 Paris.

Une autre exposition remarquable se trouve à la galerie Levy Gorvy, dans le 3ème arrondissement : Horizons. Cette exposition de groupe est curatée par l’artiste Etel Adnan, avec la collaboration de Victoire de Pourtalès.

La notion d’horizon nous rappelle les œuvres de l’artiste, où nous pouvons découvrir des paysages créés par des aplats de peinture. Le spectateur assimilera alors l’une ou l’autre des lignes de la toile à cette rencontre entre le ciel et la terre ou la mer.

Vue d’exposition, Horizons, curatée par Etel Adnan, Lévy Gorvy Paris, février 2021

Etel Adnan a ainsi réuni autour d’elle un ensemble de neuf artistes dont les créations dialoguent avec son œuvre, dont une magnifique série de cinq toiles est exposée. Nous retrouvons l’attachement au Liban chez Christine Safa – jeune artiste dont le travail me plaît beaucoup -, l’usage de la couleur vive chez Ugo Rondinone, la dimension historique de son travail chez Joan Mitchell, autre artiste majeure pour l’abstraction, ou encore des céramiques de sa compagne, Simone Fattal.

Mais la notion d’horizon évoque aussi la possibilité de regarder vers un futur avec confiance, de tenir un cap, de pouvoir développer des projets. Dans son nouveau texte poétique, Etel Adnan revient sur son itinérance tout au long de sa vie, entre son pays natal, le Liban, la Californie et la France. Horizons évoque ainsi le vécu de l’artiste, tiraillé entre différentes cultures, avec des perspectives de vie souvent chamboulées.

Vous pouvez en découvrir davantage sur Etel Adnan grâce à Margaux Brugvin qui revient sur les étapes marquantes de sa vie dans l’une de ses vidéos IGTV :

Horizons, curatée par Etel Adnan, jusqu’au 20 mars 2021, Lévy Gorvy Paris, 4 passage Sainte-Avoye (entrée par le 8 rue Rambuteau, 75003 Paris.

A quelques centaines de mètres, est exposé Christian Boltanski. Il s’agit de sa première exposition après sa rétrospective au Centre Pompidou, l’hiver dernier, mais aussi après la pandémie mondiale. Après, est ainsi le titre de l’exposition.

2020 a marqué l’artiste en ce que la mort, thème largement exploré dans son œuvre, a été placée au premier plan : au plus fort de l’épidémie, chaque jour, le nombre de morts été annoncé, nous avons vécu dans l’incertitude, avec l’angoisse de perdre des proches.

«  L’expérience que je souhaite pour le public qui vient visiter chacune de mes expositions n’est pas forcément de comprendre mais de ressentir que quelque chose a eu lieu  »

Christian Boltanski dans Faire son temps, Ed. Centre Pompidou, Paris, 2019, entretien entre C. Boltanski et B. Blistène, p.63
Vue d’exposition, Après, Christian Boltanski, Galerie Marian Goodman, Paris, février 2021

Ce qui est marquant dans cette exposition est la capacité de l’artiste à transformer l’espace de la galerie en une suite d’installations, nous plongeant dans son univers, dans ses œuvres, à travers une esthétique qui lui est propre. « L’expérience que je souhaite pour le public qui vient visiter chacune de mes expositions n’est pas forcément de comprendre mais de ressentir que quelque chose a eu lieu » déclare l’artiste, ce qui est rendu possible par cette fantastique scénographie.

Vous pouvez réserver votre visite directement sur le site de la galerie, en suivant ce lien !

Après, Christian Boltanski, jusqu’au 13 mars 2021, Galerie Marian Goodman, 79 rue du Temple, 75003 Paris.

La galerie Templon expose une nouvelle série de peintures récentes de Claude Viallat, riches en couleurs, formes mais également explorations : on remarquera l’utilisation nouvelle de tissus provençaux, reliant telles des sutures les toiles marqués du motif de l’artiste. Et comme on ne rate jamais une occasion de se trouver face à des œuvres du maestro, je vous invite à vous y rendre. Vous pouvez également retrouver l’artiste au micro de d’Arnaud Laporte, qui revient sur les temps forts de sa carrière jusqu’à la question de sa postérité.

Détail d’une œuvre de Claude Viallat exposée actuellement à la Galerie Templon.

Sutures et Varia, Claude Viallat, jusqu’au 20 mars 2021, Galerie Templon, 28 rue du Grenier Saint-Lazare, 75003 Paris.

Enfin, vous pouvez vous rendre à la Galerie Perrotin, qui expose en ce moment de jeunes peintres. On peut y voir des œuvres d’Alex Foxton et Mathilde Denize, que nous avions découverts à la galerie Derouillon et dont nous avions beaucoup aimé le travail. Rendez-vous cette fois-ci rue de Turenne !

Les yeux clos, jusqu’au 27 mars 2021, Galerie Perrotin, 76 rue de Turenne, 75003 Paris.

CONSTANT DAURÉ

L’hiver de la culture

A défaut de pouvoir les visiter, Zao vous propose de retrouver en images les grands événements culturels et expositions avortés, raccourcis, reportés de fin 2020/début 2021.

Une façon de mettre en lumière ces projets, en espérant de les découvrir de nos propres yeux prochainement !

« Thierry Mugler : couturissme  » au @madparis

Alan Strutt, Yasmin Le Bon (Londres, 1997). Collection La Chimère, haute couture automne-hiver 1997-1998
© Alan Strutt

Sur les traces de la figure singulière qu’est le couturier Thierry Mugler, l’exposition retracera son oeuvre, ses créations, son imaginaire.

Initialement prévue en octobre 2020, reportée à une date ultérieure non communiquée.

« Matisse, comme un roman » au @centrepompidou

Henri Matisse, « La Blouse roumaine », 1940. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne. Don de l’artiste à l’État, 1953 © Succession H. Matisse Photo © Centre Pompidou, Mnam-Cci / G. Meguerditchian / Dist. RMN-GP

Ouverte une poignée de jours avant le deuxième confinement,  le Centre Pompidou rend hommage à Matisse, retraçant les débuts du jeune artiste, tard venu à la peinture dans les années 1890, jusqu’à la libération complète de la ligne et de la couleur avec les gouaches découpées.

Inaugurée en octobre 2020, réouverture incertaine.

« Picasso – Rodin » au @museerodinparis et @museepicassoparis

Pablo Picasso, “Le Baiser”, Mougins, 26 octobre 1969, Huile sur toile, 97x130cm, Musée national Picasso-Paris (c) Succession Picasso / Auguste Rodin, « Le Baiser », vers 1885, plâtre patiné, 86 x 51,5 x 55,5 cm, Paris, Musée Rodin

Si les musées ne rouvrent pas en février (et nous n’y croyons malheureusement pas non plus), il faudra patienter quelques temps avant de contempler la confrontation du travail de Auguste Rodin (1840-1917) et Pablo Picasso (1881-1973). Déclinée simultanément au musée national Picasso-Paris et au musée Rodin, un format original que Zao salue, l’exposition permettra de découvrir un dialogue entre les deux monstres sacrés de l’art du XIXe.

Initialement prévue du 9 février au 18 juillet, maintien, annulation ou report de l’exposition non communiqués pour le moment.

« Le Corps et l’Âme. De Donatello à Michel-Ange. Sculptures italiennes de la Renaissance » au @museelouvre.

Organisée avec le musée du Castello Sforzesco de Milan (@castellosforzescomilano), l’exposition présentait plus de 140 oeuvres de la moitié du Quattrocento jusqu’au 16ème siècle, l’apogée de la sculpture de la Renaissance. On pouvait y admirer notamment des chefs-d’oeuvre sculpturale des collections du musée comme l’Esclave mourant de Michel-Ange.

Initialement prévue du 22 octobre 2020 au 18 janvier 2021.

L’ouverture de la Bourse de Commerce (@boursedecommerce)

Bourse de Commerce-Pinault.
© Patrick Tourneboeuf – Courtesy Bourse de Commerce-Pinault Collection

La grande inauguration de la Bourse de Commerce, qui présentera la Collection Pinault au sein du monument classé parisien, a été reportée une nouvelle fois à l’aube du deuxième confinement, à cause de l’impossibilité des lieux culturels à rouvrir.

Le tout dernier temple de l’art contemporain devait ouvrir ses portes en juin 2020, puis au printemps 2021, pour enfin décaler son inauguration le 23 janvier 2020. Travaux terminés, le musée est prêt à accueillir les publics : « Waiting for the green light… » peut-on lire sur son compte Instagram.

FLASHBACK CULTUREL : CE QUE NOUS RETENONS DE 2020

2020… par où commencer? Nous n’avons pas besoin de rappeler en quoi cette année aura été si particulière pour tous, si difficile pour le monde de la culture. L’équipe de Zao Magazine revient tout de même sur les manifestations culturelles qui l’ont le plus marquée.

ARIANE DIB

The show must go on : Ondine à la Comédie Française, captée en 1974

Pendant le confinement du printemps dernier, la Comédie Française a maintenu sa programmation culturelle en s’adaptant aux contraintes : tous les soirs des pièces filmées issues de leurs archives étaient retransmises en live (via facebook et leur site internet). Parmi ce théâtre de fauteuil d’un nouveau genre, était diffusée Ondine de Jean Giraudoux, une pièce relatant le parcours d’une jeune “femme” capable de contrôler les éléments notamment liés à l’eau, abandonnant son lac pour suivre l’homme qu’elle aime à la cour, Hans, un jeune gentilhomme autrefois promis à une autre. Cette mise en scène conservait la beauté du texte et mêlait le regard et l’humour de Giraudoux et le romantisme bavarois dont est originaire le mythe d’Ondine. Le jeu des acteurs est incroyable, notamment le magnétisme d’Isabelle Adjani et Jean-Luc Boutté. Cette initiative pour rassembler le temps d’une pièce, même à distance, des spectateurs éparpillés et confinés, m’a parue extrêmement pertinente et réussie.

Ondine, Jean Giraudoux, mise en scène de Raymond Rouleau ; pièce en 3 actes de Jean Giraudoux ; spectacle de la Comédie-Française ; décors de Chloé Obolensky ; costumes de Chloé Obolensky, Rostislav Doboujinsky, retransmission le 29 avril 2020, vidéo issue des Archives de la Comédie Française. Crédit photo Nicolas Treatt

Voyage en terres inconscientes : Laure Prouvost, Deep See Blue Surrounding You / Vois ce bleu profond te fondre, Les Abattoirs, Toulouse, du 24 janvier au 20 septembre 2020

2020 fut une année complexe, à la fois rythmée par un besoin plus pressant que jamais de s’échapper de la réalité ou de la supporter par les œuvres d’art, et une année où il fût parfois difficile d’y accéder. Je me permets donc de tricher quelque peu en me remémorant ma visite toulousaine de l’œuvre Deep Blue Surrounding You, créée par Laure Prouvost pour le pavillon français de la Biennale de Venise de 2019 sous le commissariat de Martha Kirszenbaum. Je triche car je n’ai pas pu la voir à Venise mais je me suis réjouie de l’avoir découverte au musée des Abattoirs de Toulouse. Il s’agit d’une œuvre mixte, mêlant  installation, vidéo, sculpture, musique au lexique de l’eau, mais aussi à associations inconscientes et poétiques.

On embarque dans un parcours initiatique, une odyssée ou bacchanale aux airs surréalistes, menant de jeunes artistes de la région parisienne à Venise.  On repère les étapes de ce voyage : le quartier Pablo Picasso de Nanterre, le Palais Idéal du Facteur Cheval,…  On s’oublie et on traverse des contrées brumeuses, bien connues ou imaginaires.

« Un voyage vers notre inconscient. À l’aide de nos cerveaux situés dans nos tentacules, nous creuserons des tunnels vers le passé et le futur en direction de Venise. Suivons la lumière. » Laure Prouvost

Pour aller plus loin : L’art et la Poudre, Aware, Interview de Laure Prouvost et Martha Kirszenbaum

Fenêtre sur Instagram : Per Adolfsen

Là encore je ne joue plus vraiment selon les règles, une page Instagram n’étant pas forcément à proprement parler une manifestation culturelle … mais au cours de cette année recluse, les réseaux sociaux ont comblé un manque d’accès à l’art et à l’évasion. Ainsi, les paysages colorés et poétiques de Per Adolfsen ont été une véritable respiration, un accès, certes éloigné, à un monde extérieur et à une vision de la beauté quotidienne et humbles de la nature. Les compositions aux crayons de couleurs de cet artiste danois sont simplement belles. 

CAMILLE CHU

Retour sur Le Supermarché des Images au Jeu de Paume

L’ouverture de la Collection Pinault à la Bourse de Commerce, l’exposition Matisse au Centre Pompidou, l’exposition Marc Riboud au Musée Guimet… Ce sont tant de choses que j’aurais aimé ajouter à ce flashback culturel, mais coronavirus oblige, on se contentera des quelques temps forts de la culture qui ont quand même pu marquer cette année 2020.
Parmi les expositions que je retiendrai, Le Supermarché des Images au Jeu de Paume. Abordant les enjeux de la surproduction des images et leur stockage, leur diffusion, leur partage dans notre société, l’exposition faisait dialoguer des artistes aussi impressionnants que surprenants. Les œuvres de Kazimir Malévitch, Yves Klein, Sophie Calle, Evan Roth, Geraldine Juárez et bien d’autres étaient au rendez-vous pour se répondre dans l’espace d’exposition, se contredire dans leurs formes, et s’accorder dans leurs valeurs. Un véritable supermarché dans lequel on ne pouvait que faire le choix d’apprécier les œuvres, la scénographie et la médiation.
Et cette exposition était tombée à point nommé : j’ai l’ai visité quelques jours avant le premier confinement, soit avant la fermeture du Jeu de Paume pour un an… Et avant d’être submergée par le flot d’images des réseaux sociaux et des écrans que l’enfermement chez soi nous imposait.

Compléter son propre musée dans Animal Crossing New Horizons

Animal Crossing New Horizons, un jeu du géant Nintendo, est lui aussi tombé à pic. Sorti le 20 mars 2020, quelques jours après l’annonce du premier confinement en France, le jeu était très attendu par les nombreux joueurs de console Switch dont je fais partie.
Si Animal Crossing New Horizons apparaît aujourd’hui dans ce flashback culturel c’est parce qu’au-delà d’être de l’art en soit, le jeu m’a permis de revoir mes classiques en termes d’Histoire de l’Art. Grâce au Musée implanté dans le jeu, les joueurs ont la possibilité de compléter la collection de la galerie d’art avec des peintures, des sculptures et même des estampes. Pour se faire, il faut acquérir des chefs-d’oeuvre sur le marché noir. Mais la chose n’est pas si simple : il faut parvenir à reconnaître les vraies œuvres parmi les fausses présentées. Les contrefaçons ont toujours un détail qui les trahit, comme un sourire à l’envers, une couleur erronée, des personnages manquants ou un objet en trop.
Nintendo ne vous fait pas de cadeaux, il faut avoir une solide connaissance des chefs-d’œuvre (ou une bonne connexion wifi pour trouver l’original sur Google Image) si vous voulez espérer compléter votre collection.

Faites l’expérience par vous-même en suivant ce lien !

CONSTANT DAURÉ

L’avènement des discussions live sur Instagram

2020 sera marquée par cette nouvelle manière de converser, un nouveau format de conférence : le direct Instagram.

Je me souviens d’ailleurs très bien, pendant le confinement du printemps, de la première masterclass à laquelle j’ai assisté de cette façon-là, le 7 avril. L’ECAL, école d’art et de design suisse, s’est adaptée en retransmettant en live sur Instagram la conversation entre l’un de ses enseignants, Lionel Baier et le légendaire Jean-Luc Godard. J’ai été ainsi interpellé par cette figure, traversant les époques, fumant son cigare derrière la caméra, frontale cette fois-ci.

J’ai été marqué par cet évènement ; et j’ai trouvé cette image retransmise du cinéaste très forte. J’en ai fait une capture d’écran, et quelques semaines plus tard, j’ai compris que je n’avais pas été le seul à avoir été saisi : le peintre Guy Yanai, travaillant le plus souvent à partir de photographies, en avait fait un tableau :

Guy Yanai, Jean-Luc Godard (Instagram), 2020

Les conversations Instagram ont été nombreuses et très enrichissantes. Je pense notamment aux talks menés par Jean-Charles de Castelbajac, nous invitant à partager ses conversations avec ses amis, revenant sur leurs carrières ou évoquant leur ressenti sur ces temps troublés. J’ai particulièrement apprécié les discussions avec Michel Gaubert, Agnès B, Alexandre de Betak, Tom Sachs, ou encore Mathieu Lehanneur qui m’a permis de découvrir son travail.

Le grand retour de Sébastien Tellier

L’année commençait pourtant bien : janvier 2020, le génial Sébastien Tellier sort le titre A ballet, annonçant son grand retour après 6 ans d’absence, par un nouvel album intitulé Domesticated et une série de dates de concert.

Mais le nom de l’album, si vous me permettez le jeu de mot, semble avoir rattrapé le musicien : le confinement général a cloitré chacun chez soi, provoquant le recul de sa sortie, mais également le report de ses concerts pour un futur incertain.

Domesticated sera finalement dévoilé le 29 mai, livrant une musique électronique cosmique, vaporeuse et sensible qui sera la bande son de mon été. Relevons d’ailleurs que les influences artistiques de Sébastien Tellier sont riches, le morceau Venezia ayant été enregistré au sein du Pavillon français de la Biennale de Venise 2017, dans l’installation Studio Venezia de Xavier Veilhan.

Les salles de concert demeurant fermées, vivre un concert de Tellier en 2020 était inespéré, jusqu’à l’annonce du concert Arte, capté au cœur de la Gaité Lyrique le 13 novembre 2020. Mêlant ses classiques, tels que La Ritournelle ou Roche, à ses nouveaux morceaux, Sébastien Tellier nous livre une performance magistrale, accompagné de plusieurs musiciens. Il rendra un hommage à son ami Christophe avec Juliette Armanet, en partageant une réinterprétation de sa Dolce Vita. Comme le souhaitait Sébastien Tellier, ce concert nous a permis de souffler quelques instants, nous transportant loin du chaos que nous vivons. À écouter en boucle.

Habiter la forêt, ce que j’aurais souhaité pour 2020.

Les visites d’expositions au musée ont été rares cette année… Et le rôle de la galerie en tant qu’institution culturelle s’est plus que jamais fait sentir, accueillant chacun gratuitement entre ses murs pour présenter le travail d’artistes de tout horizon.

 C’est ainsi que je retiendrai de 2020 l’exposition à la galerie Nathalie Obadia Habiter la forêt de Fabrice Hyber, artiste dont j’apprécie l’univers et le travail. 

Fabrice Hyber, Abri, 2020

Cette exposition s’inscrit bien dans les évènements que nous avons vécus : 2020 aura été l’année de la distanciation, de la redéfinition de nos habitudes, de la redécouverte des espaces que nous habitons. Si certains ont pu quitter la ville pour se mettre quelques semaines au vert, d’autres y sont restés, rêvant sans doute de grands espaces et d’air frais. 

Fabrice Hyber ne nous livre pas seulement une vision lyrique de la forêt, comme lieu de ressource et d’émerveillement, mais une nature à l’origine d’innovation et de technologie, permettant de relever le défi écologique qui s’offre à nous. Entre schémas et dessins, à travers un fourmillement de fusain et un large nuancier de couleurs vives, c’est en observant la nature que l’artiste propose dans ses toiles une vision utopique de la ville, résolument tournée vers un espoir d’écologie.

Bonne nouvelle, cette exposition se prolonge en 2021 : vous avez jusqu’au 23 janvier pour la (re)découvrir !

Fabrice Hyber, Habiter la forêt, jusqu’au 23 janvier 2021, Galerie Nathalie Obadia, 18 rue du Bourg-Tibourg 75004 Paris

MATHILDE PRÉVOTAT

Les Kienholz dénoncent ! Ed & Nancy Kienholz, 5 septembre – 31 octobre 2020, Paris – Grenier Saint Lazare

43 ans après la dernière grande rétrospective française dédiée à Edward Kienholz, la Galerie Templon a présenté de septembre à novembre, des œuvres d’ Edward et de son épouse Nancy.  L’occasion pour nous de redécouvrir ces artistes décidément trop peu exposés en France ! 

Les œuvres de Kienholz sont généralement classées dans le Pop Art même si elles sont très loin des œuvres aux couleurs acidulées représentant la société de consommation. Au contraire… leurs œuvres sont pour le moins morbides et provoquent un sentiment de malaise chez le spectateur. Sentiment accentué par le fait que leurs installations sont grandeur nature. L’on se retrouve ainsi devant des scènes d’abandons d’enfants devant Jody, Jody, Jody, ou devant des scènes de viol devant The Pool Hall, une installation représentant des hommes jouant au billard, visant le sexe ensanglanté d’une femme décapitée. 

Les Kienholz voulaient choquer pour mieux dénoncer. Pari réussi! Tous les travers de la société américaine y passent : sexisme, abus sexuel, racisme etc. Triste constat : ces œuvres créées entre 1978 et 1994, sont toujours d’actualité. 

Kienholz,The Pool Hall, 1993

GIRL POWER ! Hong Sang-soo, La femme qui s’est enfuie

Gam-Hee (interprétée par Kim Minhee) rencontre et converse avec trois de ses amies, son mari qu’elle ne quitte jamais, étant en voyage d’affaires. Si le scénario parait simple voire banal, le réalisateur coréen Hong Sang-Soo nous offre avec La femme qui s’est enfuie un film juste et mélancolique. 

Les images sont splendides. La beauté réside dans la simplicité des plans fixes, interrompus régulièrement par des zooms sur ces femmes qui conversent. Ces dernières sont quant à elles interrompues par des hommes, véritables intrus. Les hommes n’ont en effet qu’une place anecdotique dans ce triptyque de rencontres, venant perturber, succinctement les conversations avec des interventions ridicules, grotesques. Finalement, Hong Sang-soo offre un véritable hommage aux femmes avec ce film court (seulement 1h20!).

Ce film est poétique, parfois drôle, toujours sensible, à voir !

Zaomagazine fête son premier anniversaire; c’était un plaisir de passer cette année avec vous, merci pour votre lecture et pour votre soutien. Nous nous retrouvons en 2021!

Le tour des galeries #2 retour dans le cube blanc !

Pendant deux mois, j’ai pu vivre comme un grand collectionneur : faire Art Basel plusieurs jours de suite et y connaître le prix des œuvres, assister à des conversations entre artistes, galeristes et curateurs, enchaîner en une semaine des expositions entre Paris, New-York et Londres. Ok. Mais tout ça, virtuellement. Et le rapport, physique, aux œuvres, la sensation de rentrer dans les espaces des galeries, me manquaient terriblement.

Deux mois et demi plus tard, les galeries ré-ouvrent au public. Quel plaisir de pouvoir à nouveau faire ce qu’il y a de mieux : visiter des expositions, découvrir des artistes, se trouver face à l’œuvre. Nous voilà de retour dans le cube blanc !

Avant de vous présenter ma sélection d’expositions, je tiens à vous dire que je suis encore dans ma ville de confinement, Orléans, et que je n’ai donc pas – encore – visité les expositions parisiennes citées. (Ceci explique également pourquoi les photos de ce tour des galeries seront des posts Instagram, et non mes photos).

J’ai profité d’être à Orléans pour me rendre au Pays où le ciel est toujours bleu pour la réouverture de l’exposition 300 dpi av. J.-C. de Yoan Beliard. C’est un lieu qui me tient particulièrement à cœur puisque j’ai pu m’y familiariser avec l’art contemporain et y rencontrer des artistes dans mes années lycée. 

Si ce qui nous a manqué pendant le confinement est la matérialité de l’œuvre, alors cette exposition tombe à pic pour une visite post-quarantaine. Le travail des matières et le rendu en plusieurs dimensions semblent bien les enjeux de ces œuvres. Du plâtre, des briques, du béton, de la fibre, de la peinture aérosol, du toner, sont travaillés en différentes formes sur de larges châssis métalliques apparents, ou façonnés en jarres.

Le titre de l’exposition nous plonge dans un tunnel temporel, liant antiquité et imprimante toner. Puis la lecture des œuvres se fait petit à petit, surfaces par surfaces. Les bribes de photocopies de vestiges archéologiques forment des images ; les matières utilisés, pauvres, sont sublimées à nos yeux en marbre ou pierres incrustées. Vases, minéraux et fossiles, nous réalisons que l’exposition nous transporte dans les réserves d’un musée archéologique.

Orléans, profitez de votre envie d’exposition pour visiter Le pays où le ciel est toujours bleu ! Et pour les plus curieux, voici le site de l’artiste.

300 dpi av. J.-C. , Yoan Beliard, du 28 mai au 21 juin 2020, Le pays où le ciel est toujours bleu, 5 rue des Grands Champs à Orléans, jeudi – dimanche, 15h – 18h30

Les œuvres de Jean-Philippe Delhomme ont accompagné mon confinement et l’ont égayé, grâce à ses nombreuses images de quarantaine sur Instagram : natures mortes, portraits, vues du boulevard ou scènes d’atelier, j’ai été particulièrement touché par ces peintures, dessins et encres qui saisissaient ce rapport inédit à nos espaces intérieurs. Cela sans me douter qu’une exposition de ses peintures se préparait à la galerie Perrotin. S’il ne s’agit pas des œuvres créées durant le confinement, une autre aventure est présentée : son voyage à Los Angeles.

Dans cette exposition, le peintre, également connu pour ses talents d’illustrateur et son personnage « the Unknown Hipster » suspend à nouveau le temps et rend hommage à la ville, à travers un arrêt sur image de différentes scènes de vie.

Los Angeles Langage, Jean-Philippe Delhomme, du 23 mai au 14 août 2020, Galerie Perrotin, 76 rue de Turenne, 75003, mardi – samedi, 11h – 19h.

Jean-Philippe Delhomme est également en résidence sur le compte Instagram du Musée d’Orsay, où il y publie chaque semaine un dessin, imaginant ce que serait les posts Instagram des grands artistes du musée.

Notons que la galerie Perrotin présente deux autres expositions, celle de Gabriel Rico, et Restons Unis, initiative solidaire que nous pouvons saluer. En effet, la crise covid-19 impactant le marché, Emmanuel Perrotin, certainement l’un des galeristes français les plus connus à l’international, a choisi d’inviter certains de ses homologues parisiens à une union sacrée. A travers quatre expositions du 23 Mai au 14 Août, vingt-six galeries parisiennes exposent leurs artistes dans les murs de la galerie Perrotin, de quoi donner de la visibilité et se montrer solidaires.

Restons Unis, du 23 mai au 14 août 2020, Galerie Perrotin, 76 rue de Turenne, 75003, mardi – samedi, 11h – 19h

Œuvres de confinement

Ainsi, la crise du covid bouscule la programmation des galeries. Et quand est-il des artistes ? Je souhaiterais maintenant vous faire découvrir deux expositions d’un nouveau genre : « œuvres de confinement ».

Ludovilk Myers avait une exposition personnelle de prévue pour Juin 2020. Mais, comme pour beaucoup de parents, il s’est retrouvé à la maison avec son fils à occuper tous les jours. C’est pourquoi ce solo show s’est transformé en exposition à quatre mains, véritable retour en images sur le programme de confinement à l’atelier avec Camille, 4 ans : peinture de fleurs, collage de paillettes, sessions Animal Crossing ou puissance 4 et morpions géants.

Ludovilk Myers est peintre et designer graphique. Merveilleux coloriste, son travail explore actuellement l’abstraction, par des aplats de couleurs souvent rehaussés et travaillés au airbrush. Mais cette exposition poursuit les précédentes expérimentations picturales père/fils, puisque l’artiste a déjà édité un recueil de dessins à quatre mains, Massif Central,  et publie régulièrement des dessins, collages ou peintures de son fils sur un compte Instagram dédié, ambiance « art contemporain et tétine ».

Je vous laisse vous aventurer plus largement dans le travail de Ludovilk Myers, sur son compte Instagram @ilkflottante et son site internet, ainsi que les recherches plastiques menées par son fils @bananepatten, et vous invite à découvrir l’exposition :

Confinés, Ludovilk Myers, du 3 au 21 juin 2020, Happy Gallery, 17 Rue Victor Massé, 75009, Mercredi – samedi, 14h – 18h

Le solo show de Damien Cabanes à la galerie Éric Dupont a été interrompu par le confinement, après seulement quelques jours d’exposition. La quarantaine passée, la galerie ré-ouvre son espace, mais accueille les visiteurs avec un nouvel accrochage d’œuvres encore fraîches. Ces fleurs, sur toiles libres de grands formats, ont été peintes pendant le confinement.  Si l’artiste continue à peindre des fleurs et bouquets, thème récurrent pour lui, ce contexte particulier de création transforme selon moi notre façon d’appréhender ces œuvres.  

Œuvres de confinement, Damien Cabanes, du 27 mai au 13 juin 2020, Galerie Eric Dupont, 138 rue du Temple, 75003, mardi – samedi, 11h – 19h

Si je parlais de l’utilisation d’airbrush dans le travail de Ludovilk Myers, un autre maestro de cette technique est exposé actuellement à Paris, à la galerie Ruttkowski;68, située dans le même arrondissement que les galeries Perrotin et Eric Dupont. Antwan Horfee maîtrise en effet cette incroyable technique, qui pourrait caractériser ses peintures fantastiques et évanescentes. A travers ces toiles et dessins exposés, nous accédons à l’univers fourmillant et fascinant de l’artiste, à découvrir absolument.

GOONS !, Antwan Horfee, du 23 mai au 28 juin 2020, Ruttkowski;68, 8 rue Charlot, 75003, mardi – samedi, sur rendez-vous (11 – 19h)

Merci pour votre lecture et belles découvertes. A bientôt !

Constant Dauré

Confinés mais cultivés ! Les idées culturelles à faire pendant le confinement

On dit que l’art est une source d’inspiration, d’escapade et de voyage. Face au confinement du pays jusqu’à nouvel ordre, c’est l’art qui nous permettra de rester actifs et de ne pas sombrer dans l’isolement. Alors, faisons de cette période d’enfermement une opportunité pour (re)découvrir la culture sous toutes ses formes. Pour Zao, le confinement n’est pas synonyme d’enfermement, d’isolement ou de déconnexion, au contraire. Nous vous avons préparé une liste des choses culturelles à faire, à voir ou à découvrir depuis chez vous, une liste que nous continuerons d’alimenter au fil des jours. Restons ouverts, restons connectés ! 

© Jose Manuel Ballester, Lugar para un nacimiento. 2012, digital print on canvas, 68,11 x 109,25 inch.

• VOIR •

• Se refaire une culture cinématographique 

C’est le moment de regarder tous les films que vous avez noté dans un coin, et au passage, de se refaire une culture cinématographique. Pour cela, il y a des plateformes comme la Cinetek, un site de VOD (vidéo à la demande) consacré aux plus grands films du XXème siècle avec des films choisis par des réalisateurs du monde entier, ou Mubi, un service de streaming qui ajoute un film par jour allant des perles oubliées aux nouveautés tout droit sorties des festivals. Pour des films un peu plus originaux, nous vous recommandons Outbuster, un portail de cinéma à la demande dédié à tous ces films qui n’arrivent jamais dans vos salles (pour des mauvaises raisons).

• Se perdre sur Arte

Netflix, c’est bien. Arte, c’est mieux ! Documentaires, fictions, séries, animations… Que ce soit en replay gratuit ou en VOD, la chaîne franco-allemande vous propose une offre variée et réfléchie sur des sujets toujours plus intéressants. Parfait pour se cultiver en période de confinement. 

• Parcourir l’offre de la cinémathèque de Milan

Pour les amoureux de l’Italie, la cinémathèque de Milan met son catalogue en libre accès pendant la période de confinement. Ainsi, vous pourrez visionner plus de 500 films gratuitement en streaming. Des films italiens ou muets qu’il vous tarde de découvrir.

Tirer le meilleur de Netflix

Il y a quand même du bon sur Netflix : nous pensons notamment à At Eternity’s Gate de Julian Schnabel, un biopic consacré aux derniers jours de Vincent Van Gogh ou encore au très poétique Marriage Story de Noah Baumbach (nominé pas moins de 77 fois aux Golden Globes),  qui relate très humainement le divorce d’un couple. S’y trouvent également des documentaires intéressants comme la série Abstract : The Art of Design où l’on suit une personnalité d’une industrie créative différente à chaque épisode, de la scénographe Es Delvin au plasticien Olafur Eliasson.

• APPRENDRE •

Commencer un MOOC 

C’est le moment d’apprendre tout ce que l’on a toujours voulu apprendre et que l’on a jamais fait par manque de temps (et de motivation ?). Les MOOC sont une bonne solution, et notamment les MOOC culturels de la Fondation Orange qui propose sur sa plateforme des cours en partenariat avec le Centre Pompidou, la RMN-Grand Palais, et bien d’autres. 


Ecouter des podcasts sur l’art 

Les podcasts culture sont nos grands sauveurs durant ce confinement, surtout lorsqu’on vit seul, écouter une voix autre que la sienne est étonnamment réconfortant. Nous vous proposons plusieurs podcasts, courts ou longs, récents ou non, sur l’art classique ou la pop culture… Il y a en a pour tous les goûts.

“Quand ceux qui font l’art se racontent”, telle est la devise du Bruit de l’art, le podcast dédié à l’art contemporain lancé par Victoria Le Boloc’h-Salama et Florian Champagne. Ces deux jeunes historiens d’art interviewent en une trentaine de minutes artistes, critiques et commissaires.

Le Sens de la visite est un podcast récent qui vous prend la main pour vous emmener au sein des grands musées parisiens. Avec déjà deux épisodes au Louvre et à Orsay, découvrez les musées en les écoutant !

France Culture, c’est l’indispensable, le classique, l’essentiel du podcast. Parmi les programmes de la radio qui nous séduisent le plus, on y trouve l’Art et la Matière pour analyser les chefs-d’oeuvre, Soft Power sur l’actualité des industries culturelles et numériques et Fictions / Théâtre et Cie pour explorer le monde du théâtre.

Le podcast féministe La Poudre a notamment produit une série d’épisodes intitulés L’art et la Poudre dans lesquels Lauren Bastide invite des artistes de genre féminin de la pop culture (Juliette Armanet, Chris ou encore Clara Luciani) à l’art visuel (comme Laure Prouvost) en passant par les institutions culturelles (avec la conservatrice Camille Morineau). En une heure, ces personnalités vous décrivent leur parcours et leur rapport au féminisme.


• Suivre le hashtag #ConfinementMuséeURL sur Twitter

Lancé par Omer Pesquer sur le modèle du hashtage #ConfinementLecture (que nous recommandons également!), #ConfinementMuséeURL permet aux institutions et aux internautes d’échanger leurs ressources en ligne. Le Musée Saint-Raymond, la Cité des Sciences, le Musée de l’Armée… Les lieux culturels jouent le jeu et partagent sur Twitter toutes sortes de ressources en ligne. En anglais, ça donne #MuseumFromHome.

Réviser avec le Scribe Accroupi

Le bloggueur culture Scribe Accroupi bascule en [Mode Révision] et vous emmène faire une visite privée par jour. Nous avons déjà pu profiter des révisions de « Un rêve d’Italie. La collection du marquis Campana » au Louvre mais aussi « Osiris, mystères engloutis d’Egypte » à l’Institut du Monde Arabe. Ne manquez pas le départ de la prochaine visite !

Se promener avec le Musée d’Orsay

Les enfants ne sont pas en reste grâce au Musée d’Orsay qui met en place des Promenades Imaginaires leur faisant découvrir en quelques minutes des tableaux sous un nouvel angle ludique.

• Assister aux Masterclasses du Centre Pompidou

Sur sa chaîne Youtube, le Centre Pompidou vous permet d’assister à des Masterclasses en présence de grands cinéastes et metteurs en scène. David Simon, Amir Naderi, Richard Linklater… Au total, 14 vidéos qui composent une collection de masterclasses de référence dans le domaine du cinéma et des arts de la scène.

• VISITER •

• Découvrir UMA et ses expositions virtuelles fictives

UMA, c’est le musée universel d’art du futur. Muni d’un casque en réalité virtuelle ou non, parcourez des expositions fictives sur le street art, les chats, et même Léonard de Vinci… Un contenu diversifié, unique et original, pour le plus grand bonheur des fans d’expériences immersives ! 


• Visiter les plus grandes institutions culturelles du monde et leurs collections en ligne

De nombreux virtual tours sont accessibles en ligne pour que les internautes puissent découvrir les collections des plus grands musées. C’est le cas des visites virtuelles de la Frick Collection, des expositions en ligne du Smithsonian ou encore des visites thématiques du Louvre.

Dans un registre un peu plus old school, le musée de la photographie américaine vous fait une visite guidée à travers des texte, des liens à cliquer et des images.

Par ailleurs, de nombreuses bases de données ont été mises en ligne pour le plus grand plaisir des amoureux des objets d’art. On pense à la base de données du MET, et en France, à Paris Musées qui a récemment rendu accessible 150 000 oeuvres. 


• Voir des chefs-d’oeuvre numérisés sur Google Arts & Culture

Google Arts & Culture s’est associé avec plus de 500 musées et galeries pour proposer un accès immersif en ligne, gratuit, aux plus belles collections du monde ainsi qu’à d’autres contenus numériques. Du British Museum à Londres au Guggenheim à New York, en passant par le Van Gogh Museum à Amsterdam, vous n’aurez jamais autant voyager ! Nous avons eu un petit faible pour le Street View du Musée d’Orsay qui inclut les nouvelles salles rénovées du 5ème étage mais aussi pour le National Museum of Modern and Contemporary Art en Corée, un musée bien loin mais accessible depuis chez vous en ligne.

• Suivre les institutions culturelles sur les réseaux sociaux 

Les réseaux sociaux sont bien évidemment le moyen privilégié pour atteindre et engager le public à distance, l’ICOM nous l’a bien rappelé. On s’attend alors de la part des institutions culturelles à des visites guidées sur Facebook Live ou Instagram Live, des présentations de collections par Live Tweets ou simplement à du partage d’oeuvres et de documents sur les réseaux sociaux. 

La National Gallery of Art propose déjà des visites guidées, une salle à la fois, sur Twitter. Le musée national des arts asiatiques – Guimet a demandé à ses internautes quels contenus ils voudraient voir dans les prochaines temps. Le Château de Versailles, lui, vous offre un contenu plus ludique et vous défie avec 4 questions par jour pendant une semaine, à répondre sur Instagram.


Parcourir l’offre numérique de l’Institut nationale d’histoire de l’art (INHA) 

650 000 documents en ligne, 450 vidéos sur la chaine Youtube, 350 articles de la revue “Perspective : actualité en histoire de l’art”, de nombreuses publications numériques…. Il y a de quoi faire avec l’INHA ! Le fameux institut vous ouvre ses portes en ligne pour vous faire découvrir la richesse de l’histoire de l’art. 

• SORTIR AU THÉÂTRE •

Ecouter le journal de confinement de Wajdi Mouawad

Wajdi Mouawad, directeur du Théâtre National de la Colline et dramaturge exceptionnel, nous décrit son confinement quotidiennement avec une poésie mélancolique et magnifique. Son journal de confinement est disponible sur Soundcloud, à travers des épisodes sonores.

• ALLER À L’OPÉRA •

• Regarder des performances à la demande avec le Metropolitan Opera

The Metropolitan Opera vous propose Met Opera on Demand, pour regarder en streaming des centaines de performances enregistrées ou live. Suite à la crise sanitaire du coronavirus, l’institution a également mis en place les « Nightly Met Opera Streams » pour diffuser gratuitement, tous les soirs, des classiques de l’opéra : Carmen, La Bohème, La Traviata… L’opéra n’a jamais été aussi accessible !

Découvrir la 3ème scène de l’Opéra de Paris 

Créé en 2015, la 3ème scène de l’Opéra de Paris est une plateforme en ligne avec des courts métrages, des entretiens, des documentaires qui prolongent l’activité de l’institution et montre l’opéra sous un autre angle. On notera notamment la présence de Degas et moi d’Arnaud des Pallières, fiction d’une durée de 20 minutes consacrée à Edgar Degas.

• ECOUTER •

Ecouter les 7 heures de DJ set de Laurent Garnier

En réaction à la pandémie et ses conséquences sur les lieux de fêtes et de la nuit, Laurent Garnier a mis en ligne un DJ set de 7 heures, enregistré en novembre dernier à Contact (Tokyo, Japon).

• LIRE •

Relire ses classiques et découvrir ses contemporains

Qu’il s’agisse de redécouvrir vos classiques ou de vous plonger dans le dernier Prix Goncourt, lire a toujours été un moyen à porter de main pour s’évader. A une époque où tenir un livre entre ses mains, prendre le temps d’apprécier un papier, une couverture, est loin d’être une évidence, accueillons à bras ouverts le luxe de ce confinement. Voici quelques idées : 

Pour s’évader : Salammbô, Gustave Flaubert

Pour se rappeler la beauté du quotidien : Intimités, Felix Vallotton

Parce qu’on en a enfin le temps : Ulysses, James Joyce

Felix Vallotton, La Raison Probante, 1897, gravure sur bois, publié dans Intimités, 1897

Lire la presse en ligne, et gratuitement

De nombreux magazines et revues en ligne ont rendu leur contenu gratuit, le temps de ce confinement. C’est le cas du Quotidien de l’art qui vous offre un mois d’abonnement (il suffit d’envoyer un email avec le code TWITTER1MOIS à l’adresse abonnement@lequotidiendelart.com) et de Beaux-Arts Magazine qui propose un accès gratuit à toute son offre numérique.  

Plongez dans l’univers de la fantasy avec la Bibliothèque Nationale de France

La BnF prolonge sa saison Fantasy (et notamment son exposition sur Tolkien) sur vos ordinateurs. L’occasion de vous plonger au coeur d’un genre à l’esthétique et aux codes bien particuliers. Au rendez-vous : l’histoire de la fantasy, ses sources d’inspiration et ses adaptations dans le monde moderne, et même un jeu en ligne Le Royaume d’Istyald. Une démarche transmédia que nous saluons.

Emprunter des livres numériques aux bibliothèques de la Ville de Paris 

Si vous êtes adhérents des bibliothèques parisienne, n’oubliez pas que vous avez accès à la bibliothèque numérique de la Ville de Paris sur laquelle vous pouvez emprunter des livres en format numérique, mais également audio ou encore des films et documentaires.

• JOUER •

Jouer à Animal Crossing : New Horizons 

Animal Crossing : New Horizons pour Switch sort le vendredi 20 mars ! Le jeu vous emmenera sur une île déserte afin d’y construire sa maison, créer son village, bricoler des objets… L’occasion parfaite de penser à autre chose et de commencer une nouvelle vie.

• Parfaire sa culture gaming sur Youtube 

Concernant les jeux vidéos, il n’y a pas que des live-streams ou des let’s play sur Youtube ! Nous vous proposons de parfaire votre culture gaming grâce à des chaînes comme Game Next Door ou Homo Ludens qui analysent les jeux vidéos sous leurs aspects esthétiques et thématiques.

• EXPÉRIMENTER •

Parcourir l’espace virtuel du Jeu de Paume 

En première ligne de la création artistique en ligne et des cultures Internet, le Jeu de Paume vous présente son espace virtuel. Le principe ? Des projets d’artistes contemporains créées spécialement pour le web. L’art version 2.0. 

Découvrir des oeuvres et photographies randoms 

Chez Zao, on aime le hasard. C’est pour cela que l’on vous propose plusieurs sites et blogs qui vous permettent de découvrir à l’infini des oeuvres et photographies totalement randoms. La musée ou But does it float nous apparaissent comme des véritables mines d’images… 

• ÉCRIRE •

• Ecrire pour Zao !

Nous en profitons pour vous rappeler que Zao est un média participatif ! Si vous avez une idée de sujet culturel et que vous aimez écrire, n’hésitez pas à soumettre vos proposition à zaomagazine@gmail.com ou contactez nous sur la page https://zaomagazine.com/contact/

Enfin, nous vous souhaitons un bon courage à tou.te.s et espérons que ces idées culturelles vous permettront de surmonter cette période difficile.